Gouvernement général de l'Afrique occidentale française
Ouverture de la session ordinaire du conseil général du Sénégal
(extrait du Journal officiel de l’Afrique occidentale française du 4 décembre 1897)

Le conseil général du Sénégal, convoqué par arrêté du 26 novembre dernier, s'est réuni le 4 décembre pour sa session ordinaire. A 4 heures moins dix, M. le gouverneur général quitte le gouvernement, accompagné des membres du conseil privé, de MM. les chefs d'administration, de corps de service, des officiers et fonctionnaires placés sous leurs ordres, ainsi que du conseil municipal ayant à sa tête le maire de Saint-Louis.

Les honneurs sont rendus par une compagnie d'infanterie de marine qui forme la haie sur le passage du cortège. Reçu à la porte de l'Hôtel du conseil général par M. Rivet, doyen d'âge, et M. Hortola, délégué, M. le gouverneur général est introduit au sein de l'assemblée. Il prend place au fauteuil du président et prononce le discours suivant :

(...)
Il importe infiniment de ne pas augmenter sans cesse les charges qui pèsent sur le contribuable français ; c'est en tirant d'elles-mêmes les ressources dont elles ont besoin pour leur développement et leur outillage économiques que les colonies feront, en France, leur cause populaire.
Et ce n'est pas, Messieurs, dans un relèvement des taxes ou de l'impôt que nous devons rechercher ces ressources, c'est dans l'augmentation de la production propre du pays. On l'a dit ailleurs et c'est le lieu de le répéter ici. La richesse et la vitalité d'une colonie dépendent exclusivement de l'abondance et de la valeur des produits qu'elle exporte. Cette vérité, Messieurs, vous en êtes pénétrés comme moi et vous unirez vos soins à ceux de l'Administration pour atteindre le but que nous nous proposons.
Déjà, dans cet ordre de choses, les efforts de l'Administration ne sont pas restés vains et je suis heureux de vous énoncer les résultats obtenus dans la culture des arachides par l'ingénieur agronome, en mission, que j'ai appelé au Sénégal.
Alors que la production d'un hectare de terrain préparé à l'hilaire dans le Cayor par les indigènes donne un rendement variant de 1 000 à 2 500 kilos de graines fraîches, la même surface cultivée à la charrue a donné de 6 000 à 10 000 kilogrammes, soit une augmentation du triple ou quadruple. La production de la paille d'arachides s'est augmentée dans les mêmes proportions. Or, cette expérience ayant été faite par les indigènes eux-mêmes, que M. Enfantin ne faisait que diriger, il en est résulté pour eux un étonnement qui s'est vite changé en conviction ; immédiatement, les chefs et les plus aisés des cultivateurs, notamment du Diambour et des provinces Sérères ont demandé à l'Administration de leur fournir des charrues que je me suis empressé de commander en France. En même temps que ces outils, viendront deux agents pratiques, sortant d'une ferme-école, qui seront spécialement chargés d'initier les cultivateurs indigènes au maniement de la charrue dont l'emploi pourrait facilement être étendu à la culture du mil.
Peut-on prévoir les résultats surprenants susceptibles d'être acquis au pays dans quelques années si, par la substitution des modes de culture perfectionnés aux moyens primitifs actuellement employés, l'indigène arrivait à tripler, sans dépenser plus d'efforts, sa récolte d'arachides et à cultiver le mil, non plus seulement pour sa nourriture, mais pour une transformation industrielle qu'il n'est pas téméraire de prévoir et de prédire.
Ces essais de culture banale ne nous ont pas distrait des recherches de produits plus riches, en tête desquels se place le caoutchouc.
Un grand nombre de sacs de graines de la liane du pays (toll) ont déjà été distribués dans le courant du dernier hivernage, parmi les populations des provinces Sérères et du Baol. Des nouvelles distributions seront faites à la prochaine récolte, et des encouragements particuliers seront donnés aux indigènes qui justifieront des meilleurs résultats.
En Casamance, la pépinière commencée à Sédhiou, en 1895, pour la culture de l'arbre à caoutchouc de Céara, est l'objet des soins les plus attentifs. Déjà, un millier d'arbres ont atteint de 3 à 6 mètres de hauteur et portent des graines qui serviront à la diffusion et à la propagation du précieux arbre dans tous les villages de la haute et de la basse Casamance.
D'autre part, la pépinière de Richard-Toll va subir une réforme qui s'impose ; il y sera installé prochainement un jardin d'essais où seront faites des expériences raisonnées de cultures des diverses plantes industrielles : indigo, coton, tabac, etc., susceptibles de s'acclimater dans le pays. Richard-Toll servira pour les populations des bords du fleuve. Dans le Cayor, dans le Baol, dans le Sine, dans le Saloum, seront installés d'autres jardins ou fermes, où seront mis en œuvre, sous les yeux mêmes des indigènes, les procédés les meilleurs des produits les plus appropriés à chaque région.
Simultanément, un effort sérieux sera tenté pour améliorer la race autochtone des chevaux du Sénégal ; grâce au concours du service de remonte de l'Algérie, un haras créé aux frais des budgets régionaux va pouvoir être établi dans le M'Bayar et à Podor, à la très grande satisfaction des populations indigènes dont vous connaissez la passion pour le cheval.
Toutes ces mesures, Messieurs, vous montrent à quel point mon administration s'attache à favoriser le développement des forces vives du pays.
(...)

C'est sous ces auspices que je déclare ouverte votre session ordinaire de 1897.
Vive la République !
Vive la France !
Vive le Sénégal !

Source : Journal officiel de l'Afrique occidentale française, No 112, samedi 4 décembre 1897, pages 447-448.
 


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