Le Cameroun est réputé pour la qualité de sa cuisine. Qui n’a dégusté un n’dolé encore tiède, tiré des placards de la salle à manger, ne peut s’en faire une idée. Jean GRIMALDI, au hasard de ses tournées, avait recueilli de nombreuses recettes de cuisine consignées dans un Grand Livre* de la Cuisine camerounaise, ouvrage magistral irremplaçable, dont nous possédons une édition en trois volumes à diffusion restreinte car ronéotée que nous conservons précieusement dans nos archives. Il est vrai que certaines d’entre elles pourraient rebuter quelque gastronome au cœur sensible, comme ces chiens que l’on bat dans des sacs pour en attendrir la chair en préalable à leur cuisson. Mais, foin des esprits chagrins, d’autres plats peuvent être plus alléchants et l’objectivité commande de souligner la diversité des ressources alimentaires qu’offre généreusement la contrée.
Parmi celles-ci figure la viande de brousse, généralement couverte de mouches et offerte à l’acquéreur éventuel sur un poteau en bordure de route. On y trouve toutes les richesses de la forêt et un zoologiste peut y faire de précieuses trouvailles. Malheureusement toute médaille a son revers et cette pratique aboutit à une désertification loin autour des zones habitées tout en condamnant les pygmées à la famine.
Face à mon inexpérience, on m’avait souvent vanté les qualités gustatives du pangolin, faisant de cet étrange animal un met particulièrement recherché. En mission au Cameroun où j’avais auparavant longtemps séjourné – mon épouse était restée en métropole pour s’occuper des enfants –, je logeais dans la case de passage du Centre agronomique de Nkolbisson. J’avais dû embaucher un cuisinier, un certain Joseph ayant travaillé chez des collègues partis sous d’autres cieux et dont j’avais apprécié les qualités domestiques. Un soir, rentrant au bercail, j’aperçus sur un étal le long de la chaussée un pangolin encore frais d’apparence. Je stoppais sur le champ la voiture et après de longues discussions avec son propriétaire j’acquérais l’animal pour un prix exorbitant. C’était la première fois. J’aurais mieux fait de m’abstenir, la victuaille figurant sur la liste des espèces strictement protégées, mais après tout elle était morte… J’avais moins conscience qu’aujourd’hui de l’urgence de la protection de la faune et je ne pouvais lui rendre vie.
Arrivé à destination, j’exhibais ma trouvaille à Joseph en le priant de la faire cuire. Mais mon Joseph, habitué à une cuisine à la mode européenne, m’avoua d’un air dégoûté : « Patron, je connais pas cuire ça ». « Alors, donnes-le à ta femme », lui dis-je, « elle saura bien s’en débrouiller ». Ainsi fut fait, le soir venu Joseph regagna ses pénates le pangolin sous le bras. Un jour puis deux se passent : « Alors Joseph et mon pangolin ? ». « Mais patron, nous l’avons mangé, tu l’avais donné à ma femme ! »
Comme quoi, bien mal acquis…
Face à mon inexpérience, on m’avait souvent vanté les qualités gustatives du pangolin, faisant de cet étrange animal un met particulièrement recherché. En mission au Cameroun où j’avais auparavant longtemps séjourné – mon épouse était restée en métropole pour s’occuper des enfants –, je logeais dans la case de passage du Centre agronomique de Nkolbisson. J’avais dû embaucher un cuisinier, un certain Joseph ayant travaillé chez des collègues partis sous d’autres cieux et dont j’avais apprécié les qualités domestiques. Un soir, rentrant au bercail, j’aperçus sur un étal le long de la chaussée un pangolin encore frais d’apparence. Je stoppais sur le champ la voiture et après de longues discussions avec son propriétaire j’acquérais l’animal pour un prix exorbitant. C’était la première fois. J’aurais mieux fait de m’abstenir, la victuaille figurant sur la liste des espèces strictement protégées, mais après tout elle était morte… J’avais moins conscience qu’aujourd’hui de l’urgence de la protection de la faune et je ne pouvais lui rendre vie.
Arrivé à destination, j’exhibais ma trouvaille à Joseph en le priant de la faire cuire. Mais mon Joseph, habitué à une cuisine à la mode européenne, m’avoua d’un air dégoûté : « Patron, je connais pas cuire ça ». « Alors, donnes-le à ta femme », lui dis-je, « elle saura bien s’en débrouiller ». Ainsi fut fait, le soir venu Joseph regagna ses pénates le pangolin sous le bras. Un jour puis deux se passent : « Alors Joseph et mon pangolin ? ». « Mais patron, nous l’avons mangé, tu l’avais donné à ma femme ! »
Comme quoi, bien mal acquis…
Philippe Bruneau de Miré
Janvier 2017
*NDLR : Cet ouvrage a été édité et diffusé (Jean Grimaldi et Alexandrine Bikia, Le grand livre de la cuisine camerounaise, Sopecam, Yaoundé, 1985, 258 p.). Il est malheureusement épuisé.
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