Hommage et réactions de quelques chercheurs du Cirad à l’annonce du décès de Michel Jacquot

par J. Chantereau et C. Poisson

Biographie

Michel Jacquot naquit le 30 mars 1935 à Aillevillers en Haute-Saône, au pied des Vosges dans la France profonde, rude, laborieuse où forêts, pâturages et terres agricoles donnaient lieu à tout un ensemble de valorisations artisanales et industrielles. Ses parents, entrepreneurs de broderies, lui assurèrent une formation scolaire l’amenant à la préparation des écoles agronomiques au lycée Saint-Louis de Paris.

En 1955, reçu à l’Institut national agronomique (Ina) de Paris, il se spécialisa, en 1957, en génétique végétale tropicale à l’Orstom avec une première année à l’Idert (Institut d’enseignement et de recherches tropicales) de Bondy et une deuxième année au Centre de recherche agronomique (CRA) de Bambey au Sénégal, dont quatre mois de voyages, pour faire la connaissance de diverses cultures, au Mali, en Haute-Volta (Burkina Faso), en Côte d’Ivoire et en Oubangui-Chari (République centrafricaine). En 1960, il fut mis en position de détachement à l’Irat et fut chargé, au CRA, de l’amélioration variétale de l’arachide. La guerre d’Algérie avait cours. Le service militaire armé l’y attendait. De septembre 1960 à octobre 1962, il l’effectua dans l’infanterie où il servit comme aspirant puis sous-lieutenant. Après son mariage, en février 1963, avec Marie-Odile Breton, il fut affecté en avril 1963, à la station de Séfa près de Sédhiou en Casamance, au Sénégal, pour l’amélioration variétale du maïs, en relation avec André Cauderon de l’Inra. Puis en avril 1966, il eut un nouveau poste au Centre de recherche de l’Irat à Bouaké, en Côte d’Ivoire, pour l’amélioration variétale du riz pluvial. Durant 10 ans, il y entreprit un programme de sélection avec des relations avec d’autres pays, dont le Brésil, et avec des instituts de recherche internationaux : Irri, IITA, Adrao (Warda), et avec la FAO, sous l’impulsion du DG de l’Irat, Francis Bour. En 1976, ce fut le retour au futur Cirad à Montpellier ; en charge d’un programme de l’Institut sur le riz pluvial (plus tard, ce sera sur les riz), il développa un programme de recherches pluridisciplinaires, en particulier avec la défense des cultures pour la résistance à la pyriculariose, la résistance à la sécheresse avec l’équipe de Montpellier, la technologie pour les qualités du grain, l’économie, la biométrie... Il effectua aussi de très nombreuses missions à l’étranger, du Brésil à l’Indonésie, et bien sûr auprès des chercheurs du Cirad sur le riz, en particulier pour les riz d’altitude à Madagascar. Vers 1980, le programme repris les activités de l’Inra sur le riz irrigué en Camargue, jusque-là conduites par René Marie. Les relations se renforcèrent avec l’IRD à Montpellier, en particulier pour l’étude de l’origine des riz cultivés Ce fut aussi le lancement à Montpellier d’opérations de recherches utilisant les nouvelles biotechnologies : la culture in vitro, les marqueurs génétiques, la transformation génétique, la voie hybride F1. Sous sa conduite, le programme de recherches sur le riz au Cirad s’avéra ambitieux, combinant des techniques classiques de sélection déjà éprouvées et performantes dont le recours à la mutagénèse, avec des techniques nouvelles prometteuses, pluridisciplinaires et internationales. Dans ce cadre et pendant quelques années, il fut chargé de la Mission connaissance et amélioration des plantes du Cirad organisant des réunions scientifiques annuelles sur l’évolution de la sélection végétale. Soucieux de formation de chercheurs et de transferts de connaissance, il contribua à la réalisation de plusieurs thèses de doctorat et fut l’auteur de nombreux articles et ouvrages sur l ’amélioration des plante tropicales. Il a participé à la création de la Coraf avec ses réseaux plantes, dont le réseau riz, associant étroitement les chercheurs africains et français dans leurs travaux. En 1996, il prit sa retraite non sans garder des contacts amicaux avec d’anciens collègues et son intérêt aux plantes. Il effectua notamment un travail personnel de recherches historiques et botaniques sur les haricots afin d’établir et retrouver lesquels étaient cultivés et consommés en Europe dans l’Antiquité et durant le Moyen Âge, avant l’arrivée des espèces américaines.

Guy Clément

J'ai été bien sûr stupéfait par l'annonce du décès de Michel Jacquot. Malgré son âge, il continuait à représenter une référence à laquelle se référer. On ne se voyait guère plus et on échangeait rarement. Mais chaque fois, à l'entendre ou le lire, j'avais le sentiment d'être toujours dans l'histoire du programme riz qu'il avait si professionnellement géré. Dans un groupe où cohabitaient fortes personnalités et adeptes du bien-vivre, il avait su créer une ambiance qui permettait à chacun de se sentir concerné par les avancées obtenues par l'un ou l'autre des chercheurs du programme non pas pour s'attribuer le mérite de l'avancée technique mais pour considérer celui-ci comme moyen éventuel d'améliorer l'efficacité de ses propres activités.

Nous n'étions pas toujours sur la même ligne d'idée, mais c'était une époque où le désaccord n'entrainait pas d'ostracisme. Au contraire, il donnait lieu à des échanges parfois musclés mais (presque) toujours constructifs. J'ai encore en mémoire, sous la houlette de M. Jacquot, du contenu de débats entre Séguy et Pichot ou Louvel et Notteghem. Dans cet environnement ouvert aux échanges, Michel Jacquot s'était révélé, sous ses allures bonhomme, un redoutable débateur. Sa faconde était d'autant plus convaincante qu'elle s'appuyait sur une solide expérience de terrain. Le savoir lié à la connaissance, n'est-ce pas la base de la sagesse africaine, et l'on pourrait sans problème, élargir la base géographique du propos.

Christian Poisson

J'ai eu une grande chance de travailler avec Michel Jacquot. J'ai été son adjoint pendant près de dix ans et je lui dois toute ma carrière. Il m'a donné sa confiance et m'a laissé partager responsabilités et mérites. 

Il est parti au moment où le riz était en maturité…, je me devais d'aller en Camargue pour lui cueillir une gerbe de riz au nom de tous les chercheurs qui ont travaillé avec lui.

Jean-Loup Notteghem

Michel Jacquot aura joué un rôle très important dans ma carrière au Cirad et je lui exprime aujourd’hui toute ma gratitude pour m’avoir donné la possibilité de travailler au sein de l’équipe riz. Il a su animer cette équipe pluridisciplinaire en y incluant les compétences qui permettait d’aborder l’ensemble des recherches sur le riz et la riziculture. C’est parce qu’il a mis en place des équipes cohérentes en donnant des objectifs auxquels tous adhéraient que le programme riz a pris l’ampleur qu'il a eu sous sa direction. Et c’est dans ces équipes et grâce à lui que j’ai éprouvé tant de plaisir à travailler dans un cadre exceptionnel. Michel Jacquot a su tisser les relations internationales par les instituts du CGIAR, les projets européens et l'Embrapa qui nous ont ouvert tant de collaborations fructueuses au niveau international.

Je l’ai connu attentif et bienveillant aux questions scientifiques que je posais et toujours motivé par de nouveaux projets et de nouvelles approches scientifiques qu’il n’a eu de cesse de développer. Travailler avec Michel Jacquot était un plaisir. J’ai tant de souvenirs inoubliables de nos discussions sur le terrain au Brésil ou des trajets sur les pistes impossibles de Madagascar. Il restera toujours vivant dans mes pensées l’amitié que j’éprouvais pour lui avait depuis longtemps dépassé de simples relations de travail.

Jacques Chantereau

Michel Jacquot nous a malheureusement quittés ce 21 août 2025. Sa disparition affecte tous ceux qui l’ont connu. C’était une personnalité scientifiquement et humainement remarquable, appréciée par tous les collègues du monde de l’amélioration des plantes annuelles tropicales. L’intérêt qu’il portait aux activités des chercheurs, ses idées et propositions de recherche émises dans un esprit de partage, son souci de donner les meilleurs conseils possibles, sa capacité à promouvoir l’interdisciplinarité, la qualité de ses relectures de nos écrits scientifiques rendait son contact et son encadrement fort enrichissant. Humainement, sa volonté de convaincre plus que d’imposer, sa malice, sa qualité d’écoute, son ouverture aux partenariats, son attention à répondre aux besoins des agriculteurs le rendaient très attachant. Par son action et avec l’adhésion de ses collègues, le programme riz du Cirad a acquis une notoriété internationale avec, à la fois, un enrichissement de la connaissance de cette plante et un impact sur la culture tropicale du riz. Il a été aussi un artisan important du passage de l'établissement aux biotechnologies auxquelles il voyait toutefois des limites. Tous les chercheurs du Cirad ayant travaillé avec Michel Jacquot sont unanimes pour dire que c’était un grand patron et qu’ils ont eu une grande chance de travailler avec lui une grande partie de leur carrière.

Pour lire son autobiographie, cliquer ici.

En 2022, il avait rédigé un article Leçons d'Afrique dans la revue Sésame de l'Inrae (s'enregistrer sur le site de l'Adac pour y accéder) et en 2018 un article intitulé Haricots et fasioles.

 

1971   Collègues Philippines 2 1988   Collègues Brésil 6 2015   Montpellier Cirad 119
2017 Jacquot 1 2017 Jacquot 2  

 


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