Nous venons d'apprendre le décès de notre collègue de l'Adac Daniel Bourzat auquel l'Adac avait rendu hommage en début d'année en lui consacrant une newsletter, un premier témoignage sur une vie exceptionnellement riche d'engagements et de missions consacrés à l'Afrique.
Ci-dessous l’hommage que lui a rendu le PDG du Cirad.
Notre collègue Daniel Bourzat nous a quitté brutalement le 18 août, dans sa demeure de retraite à Nadaillac, il avait 68 ans. Quelques mois après son départ à la retraite et une année jour pour jour après sa cérémonie de remise de la légion d’honneur, ce baroudeur infatigable, cet amoureux convaincu de l’Afrique, ce chercheur présent sur tous les terrains même les plus difficiles ne nous fera plus profiter de ses savoirs et de sa chaleur humaine.Né le 26 janvier 1949 à Mansac, en Corrèze, Daniel obtient après de brillantes études à l’âge de 26 ans le diplôme d’ingénieur agronome en zootechnie à l’ENESAD de Dijon. Au cours de ses études il effectue, loin des tropiques, son service national en coopération dans les îles Kerguelen où il observe des mammifères marins à cycle terrestre et s’occupe des petits ruminants locaux. Au cours de ce séjour il participe à la première traversée à pied de la calotte glacière des Kerguelen.
Il entre dans la vie professionnelle au ministère de l’agriculture en 1974 où il enseigne la zootechnie à Limoges avant de diriger les services techniques d’une coopérative d’éleveurs ovins à Montmorillon. Fort de ces premières expériences professionnelles, il entre au Cirad en 1978, attiré qu’il est par le développement et la coopération. Comme beaucoup il y démarre par l’Afrique.
Il est embauché comme chef de projet en zootechnie à Ouahigouya au nord du Burkina Faso sur un financement européen. Après 5 dures années de travail de terrain marquées de succès sur les petits ruminants et l’aviculture dans les conditions de l’époque, il est nommé chef d’unité de recherche en productions animales à Addis-Abeba dans le cadre du partenariat IEMVT/ILCA. Entre 1984 et 1989, il y découvre vraiment l’Afrique puisque ce poste l’amène à développer un réseau de recherche panafricain sur les petits ruminants et les dromadaires. Ce poste lui permet aussi des contacts avec l’université Paris XII où il assure quelques cours de biologie animale.
En 1989 il valide ces riches expériences au Sud par un DESS et une thèse qu’il soutien à Paris XII. Il prend alors la responsabilité d’un projet régional de recherches consacrées aux petits ruminants, sur un financement du ministère de la coopération à l’époque où la rue Monsieur abritait, comme il disait, « un vrai ministère » ! Ce programme basé à Ndjamena au Tchad, était localisé dans les locaux de Farcha, une des bases fortes de l’IEMVT à l’époque. Il y développera un partenariat de très grande qualité au Niger, Cameroun et Tchad, permettant d’une part à la production animale dans la région de prendre un réel essor et d’autre part en formant un noyau de chercheurs africains qui, grâce à lui, ont, par la suite, pour la plupart occupé des postes importants. Il sera renouvelé dans cette fonction non sans avoir avec arguments et détermination obtenu le prolongement du programme auprès du ministère.
En 1995, il quitte les vastes espaces sahéliens et les petits ruminants africains, pour, à la demande de la direction générale du Cirad, occuper le poste de directeur régional pour la Nouvelle Calédonie et le Pacifique Sud à Nouméa. Outre les dimensions administrative, politique et scientifique de la fonction, il va être en charge de mettre en uvre, à la suite aux accords de Matignon, le transfert du mandat de gestion du dispositif de recherche calédonien confié au CIRAD par les trois provinces à une nouvelle institution calédonienne, l’institut agronomique de néo-Calédonien (IAC), avec le transfert du personnel du dispositif Cirad à la nouvelle entité de recherche. Il trouve, malgré ce chantier lourd, le temps en 1996 de soutenir son HDR toujours à Paris XII.
En 2000, une fois cette mission « nationale » accomplie, il revient en Afrique de l’Est, à Nairobi au Kenya, où il est conseiller scientifique jusqu’en 2002 auprès du directeur du Bureau Interafricain pour les ressources animales de l’Union Africaine (UA-BIRA), sur cofinancement du FED, en charge de la sensibilisation de cette institution aux questions environnementales pour développer les productions animales en zones de glossines. Remarqué et apprécié par les responsables locaux, armé d’une réelle expérience et s’appuyant sur les réseaux qu’il a su développer avec conviction et savoir-faire, il est nommé conseiller technique principal au Bureau Interafricain pour les ressources animales de l’Union Africaine (UA-BIRA), poste qu’il occupera de 2002 à 2004.
Il arrêtera ces fonctions pour répondre à l’insistante sollicitation de l’un de ses nombreux partenaires devenu ami au cours de ces années d’expertise et de conseil. Celui-ci, nommé premier ministre en Somalie dans un contexte de guerre civile particulièrement difficile, ne peut se séparer de Daniel pour essayer de mener à bien son mandat. Il organise à Mogadiscio et aussi ailleurs quand la pression monte, le cabinet du premier ministre, assure la liaison avec les membres de la communauté internationale notamment en Europe, supporte l’action du premier ministre, le tout pour le compte du ministère français des affaires étrangères et ce malgré les tensions locales et les quatre attentats auxquels il échappe !
En 2008 il rejoint Montpellier pour quelques mois de ressourcement et continue son activité de recherche avec en particulier une participation remarquée au groupe interministériel sur la sécurité alimentaire dans les zones semi-arides et subhumides de l’Afrique subsaharienne. Il suit un cycle de formation à l’ENA en 2009 et profite aussi de ce temps pour développer de l’expertise notamment pour le compte de la banque mondiale au Sénégal. Son énergie, ses relations, son expérience incomparable le font remarquer par l’OIE, office international des épizooties, qui le recrute en 2010 comme conseiller du représentant régional Afrique. Il occupera ce poste à Paris avant d’en prendre en charge, depuis Bamako, tous les aspects, encore une fois sur un terrain difficile, comme pour toutes les responsabilités qui lui ont été confiées tout au long de sa brillante et très « ciradienne » carrière.
Homme altruiste et engagé, au caractère forgé tant sur les terres arctiques que dans la chaleur africaine, aux commandes de son avion qu’il aimait tant piloter, aventurier et courageux, homme de science et de terrain à l’amitié sélective mais indestructible, formateur et encadrant soucieux du partage de ses savoir et expériences, Daniel Bourzat, qui considérait sa carrière comme une mission au service de notre pays, aura marqué de son empreinte les gens et les institutions qui ont eu la chance de le côtoyer.
Le Cirad perd un collègue, un ami et sans conteste, un exemple de ce que représente la recherche pour le développement.
Nos pensées vont à Sylvie, son épouse, véritable complice de son aventure professionnelle, à ses trois fils et leurs familles. Qu’ils trouvent ici l’expression de notre hommage solidaire dans la peine qui les affecte si brutalement.
Michel Eddi
Président directeur général
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