philippe bonnal

C’est une personnalité scientifique et humaine exceptionnelle qui nous a quitté le 2 juin 2016 en fin de journée et notre tristesse est grande.

Philippe Bonnal, né le 13 mai 1953, par son parcours professionnel, ses centres d’intérêt, ses partenariats, ses approches du terrain, son engagement, incarnait une vision de la recherche centrée sur les acteurs socialement impliquée, tournée vers l’impact sur les sociétés rurales.

Sa maladie l’avait éloigné à plusieurs reprises de son travail mais il ne lâchait rien et revenait toujours. Pour son dernier combat, son absence s’est prolongée et il manquait déjà à notre collectif. C’est avec une immense tristesse que nous avons appris qu’il ne reviendrait pas cette fois-ci.

Son parcours au Cirad épouse l’histoire de notre établissement. En 1981, en Algérie, à l’ITA de Mostaganem pour le compte de l’IFARC, il forme des directeurs des domaines agricoles du secteur autogéré à la gestion d’entreprises agricoles. Il poursuit toujours pour l’IFARC mais à Montpellier, où il est recruté en 1982 en qualité d'Ingénieur-chercheur agronome au GERDAT. Détaché à l’IRAM en 1984 après son intégration au DSA, à la création du Cirad, il part en Bolivie, dans le cadre d'une mission d'appui au CEDE (Centre pour le Développement) de Cochabamba. Il part ensuite en 1985 pour cinq ans en mission de coopération au Venezuela, mis à la disposition de la FONAIAP via le ministère des Relations extérieures. Il contribue à y développer une approche des diagnostics agraires basée sur les trajectoires d’exploitations agricoles. Il y met en place un réseau de fermes de références.

Il poursuit par une affectation à l’EMBRAPA (Brasilia) au CPAC, au sein du projet « Silvania ». Il apporte alors une contribution majeure au sein de cet organisme, en formalisant une méthode de diagnostic agraire et en articulant l’approche technico économique des fermes de références aux dynamiques d’organisation collective (réforme agraire, organisation de coopératives). Il en ressort convaincu de l’importance des politiques publiques qui deviendront progressivement le cœur de ses recherches. A son retour à Montpellier en 1995 il suit une formation de 3ème cycle en économie rurale. Sous ce nouvel angle, il valorise ses travaux sur les suivis technico-économiques des exploitations familiales et sur les acquis des réseaux de fermes de références. Ses écrits fondateurs à cette époque inspireront nombre de chercheurs du Cirad et des institutions partenaires avec lesquelles il travaille sur ses différents terrains d’étude, et en particulier au Brésil.

En 1995, au sein du département SAR (Systèmes agroalimentaires et ruraux), il devient chef de l’unité de recherches ESRU (Economie des Systèmes RUraux) où il réalise expertises et recherches sur le diagnostic du système agraire (Equateur), la mise en place de systèmes d’informations (Colombie), le fonctionnement technique des exploitations agricoles (Brésil, Mexique). Il s’implique également dans la formation universitaire et professionnelle (CNEARC, Université fédérale du Pará et centres de développement au Brésil) et il commence à travailler en Afrique australe, notamment en Afrique du Sud et au Mozambique.

Lors de la réforme de 1998, il intègre le nouveau département TERA (Territoires, Environnement et Acteurs) et assure l’animation de l’équipe « Stratégies des Producteurs et Prise de Décision » au sein du programme Agricultures familiales. Il diversifie encore ses terrains d’études (Mayotte, Nouvelle-Calédonie, Thaïlande et Laos) tout en poursuivant ses activités en Amérique latine dont il devient l’un des meilleurs spécialistes au sein de notre établissement. Mais surtout, il propose de nouvelles avancées sur l’analyse des politiques publiques, d’abord à l’échelle des exploitations, puis à l’échelle des territoires ruraux.

Cet engagement, qui lui permet de devenir un chercheur de référence sur la thématique de la multifonctionnalité de l’agriculture, le conduit à concevoir et piloter le projet ANR PROPOCID. Ce vaste projet fera vivre des travaux comparatifs entre des situations agricoles du Nord et du Sud, au sein d’un collectif pluridisciplinaire, un autre mot clé qu’il affectionnait. Durant son affectation au Brésil de 2005 à 2010, au sein de l’université fédérale de Rio, il développe des analyses particulièrement fines de l’action du gouvernement brésilien en faveur de l’agriculture familiale, au croisement des approches des systèmes agraires et de l’analyse des politiques publiques. En toute logique avec cet engagement dans ce champ scientifique, Philippe sera l’un des membres fondateurs du dispositif en partenariat du CIRAD sur les politiques publiques en Amérique latine (PP-AL). Ironie cruelle du temps, sa disparition suit de quelques semaines à peine la suppression par le nouveau pouvoir brésilien du Ministère du développement agraire (MDA) qui constituait la traduction institutionnelle des politiques publiques destinées aux agricultures familiales qu’il avait particulièrement analysées.

A son retour à Montpellier, Philippe se montre particulièrement actif lors de la création de la nouvelle UMR ART-Dev, dont le projet scientifique colle à sa propre évolution. Il croit aux perspectives d’une association avec l’université ; il prend des responsabilités au sein du comité de direction et devient l’un des piliers de l’animation scientifique de l’unité. Il coordonne également un grand colloque sur les normes de l’action locale en 2012, dont est tiré un ouvrage. Il monte un programme de recherche sur la pauvreté et l’exclusion mêlant des équipes brésiliennes et françaises dans le cadre d’un CAPES-COFECUB, qui permettra de mettre en pratique, à l’épreuve du terrain, l’association du Cirad avec les universités. Lors de la préparation de l’année internationale de l’agriculture familiale de 2014 et au-delà, il consacre toute son énergie aux nombreux travaux de synthèse produits par plusieurs collectifs.

L’émotion suscitée par la nouvelle de sa disparition témoigne de la marque qu’il laisse auprès du Cirad et de ses partenaires. Je présente, en notre nom collectif, à sa famille et ses proches, nos plus sincères condoléances. Il restera pour le CIRAD un exemple d’engagement et d’humilité dans son travail de chercheur, en incarnant les valeurs de notre établissement auprès de tous nos partenaires du sud.

Une cérémonie de recueillement aura lieu jeudi 9 juin 2016, à 14h au complexe funéraire de Grammont, avenue Albert Einstein 34000 Montpellier. Puis Philippe sera inhumé au cimetière Saint Lazare à 16h.

Michel Eddi
Président directeur général


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