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Un grand et fidèle serviteur du Cirad nous a quittés lundi 19 février, à l’âge de 77 ans.

Marc-Henri Châtel effectue son DEA en Amélioration des plantes et Phytopathologie en 1972 sous la direction de Yves Demarly et de Jean Chevaugeon, des références de l’époque. Il est ensuite recruté par l’Irat en phytopathologie dans le laboratoire de Michel Delassus.

La première étape de sa carrière se déroule à Madagascar où il retrouve à Antananaviro Michel Arraudeau et Roger Dechanet, tous deux aujourd’hui décédés. Il travaille à la sélection du riz, épaule Dechanet sur son programme d’amélioration de la résistance au froid des riz d’altitude, et rédige son mémoire d’ingénieur dans lequel il montre les instabilités génétiques des descendants issus des croisements entre les deux grandes sous-espèces Oryza sativa, japonica et indica. La recherche sur le riz irrigué à Madagascar s’interrompt au début des années 80 lorsque Michel Jacquot tisse des liens forts au Brésil avec le CNPAF (Centro Nacional de Pesquisa de Arroz e Feijão, aujourd’hui Embrapa Rice and Bean) pour la recherche sur le riz pluvial et lance une coopération globale avec cette institution.

La deuxième étape de sa carrière se déroule ainsi au CNPAF, à Goiania, où il démarre avec ses collègues brésiliens un programme d’amélioration génétique fondé sur la sélection récurrente, tout à fait innovante sur une plante autogame. Il travaille en concertation avec James Taillebois qui utilise la stérilité mâle pour la création de riz hybrides et dont les résultats alimentent le programme de sélection récurrente. Il travaille aussi avec Jean-Loup Notteghem sur des projets de résistance à la pyriculariose. C’est aussi une période riche où le programme de sélection généalogique du CNPAF utilise les apports des programmes de sélection du riz pluvial africain conduits à Bouaké par l’Irat puis le Cirad (Michel Jacquot, Christian Poisson, Guy Clément) dans le cadre du programme riz de l'Institut des Savanes (IDESSA) et en relation avec nos collègues ivoiriens. C'est le début d’échanges de ressources génétiques de riz entre les deux continents, et des flux de variétés Irat qui ont eu un impact important dans les programmes de sélection. Nombre des croisements « africain x brésilien » sont utilisés aujourd’hui en grande culture au Brésil. De même, certaines variétés de riz pluvial issues de ce programme commun Afrique-Brésil sont toujours cultivées en Afrique de l'Ouest. Enfin, c’est aussi une période d’intégration pluridisciplinaire des recherches au CNPAF, où les chercheurs du Cirad travaillent fortement ensemble : Lucien Séguy et Serge Bouzinac (agronomie), Marcel de Raissac (physiologie), Marc Châtel et James Taillebois (sélection).

La troisième étape de la carrière de Marc se déroule en Colombie, où, pendant 20 ans il dirige un programme de sélection, en partenariat avec le CIAT (Centro Internacional de Agricultura Tropical). L’objectif de son programme est de développer la riziculture pluviale adaptée aux sols acides dans une perspective d’ouverture des frontières agricoles et de restauration des terres de savanes. Il garde alors un lien fort avec ses collègues du CNPAF (notamment Elcio Guimarães) ce qui facilite les échanges de germplasm adapté aux contraintes édaphiques similaires à celles des Cerrados brésiliens. La diffusion des méthodes de création variétale demeure aussi une priorité dans la carrière de Marc. En 1996, avec son collègue et ami Elcio est créé un groupe régional (région Amérique latine et Caraïbes) organisant les chercheurs des institutions nationales de recherche en agronomie autour de la méthodologie d’amélioration de populations synthétiques. Ce réseau, GRUMEGA (Grupo de Mejoramiento Genético Avanzado en Arroz) placé sous la coordination partagée entre Cirad, CIAT et EMBRAPA, est resté actif jusqu’en 2006 et a permis de créer une dynamique partenariale dans le continent, en regroupant 16 pays autour d’un objectif commun : utiliser et partager des méthodes innovantes et du germplasm pour le développement de nouvelles variétés de riz. Les effets de cette dynamique se sont étendus jusqu’en Europe et particulièrement en Camargue avec des résultats très appréciables qui valurent à Marc d’être intronisé dans la « Confrérie du Riz de Camargue ».

C'est en Colombie que Marc conclut sa carrière de chercheur après plus de 40 années dévouées au développement de variétés de riz et aux méthodes de sélection. En 2008, avant de prendre sa retraite du Cirad, Marc passe le flambeau à d’autres Ciradiens qui continuent, aujourd’hui encore, à exploiter les populations de riz pluvial et à optimiser les méthodes de sélection basées sur la sélection récurrente. En 2010, lors de son départ à la retraite, le CIAT lui décerne le titre de chercheur émérite, exprimant une gratitude éternelle pour la transmission constante de savoir et de connaissance tout au long de sa carrière, en plus des variétés de riz issues de ses travaux. L'ensemble du « grupo de arroz » du CIAT lui témoigne sa reconnaissance, et l’ami « Don Marc » est éternellement présent dans les esprits des chercheurs qui ont croisé sa route.

Son engagement assidu, sa passion et son approche innovante ont été déterminants dans la diffusion de connaissances et de germplasm auprès des partenaires nationaux dans toute la région Amérique latine et Caraïbes et au-delà. Les résultats de ses activités ont eu un impact considérable contribuant à étendre largement la diffusion des variétés de riz du Cirad, et à proposer des schémas de sélection originaux, basés sur l'amélioration de populations synthétiques. Sa contribution durable résonne au-delà de sa retraite, laissant un héritage significatif dans le domaine de la recherche sur le riz pluvial.

Lundi 19 février, à Cali, Marc prend congé de nous avec une révérence empreinte d'honneur, et laissant derrière lui un souvenir indélébile. Ses qualités humaines et son humilité resteront gravées dans nos mémoires.

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