Je suis né le 1er novembre 1954 à Moussoro, au Tchad. Ma jeunesse et mon adolescence ont été rythmées par les changements d’affectation, tous les deux ou trois ans, de mon père, officier dans l’Infanterie de Marine. J’ai été amené à vivre en région parisienne, à Madagascar, à Albi, Orléans, au Tchad. Cela m’a donné le goût des voyages et j’ai pour l’Afrique un grand attachement.
Aimant les sciences et la nature, j’ai fait une prépa bio au Lycée Jean Baptiste Say à Paris et intégré, en 1973, l’Ensaia à Nancy. Dans ma promo, Régis Peltier et Jean François Martiné, que je retrouverai au Cirad. Je choisis la spécialisation de pédologie, avec Fernand Jacquin et Jean Louis Morel, compagnon de rugby. Je demande à Yvon Dommergues, alors au CNRS de Nancy de m’accueillir pour un DEA de microbiologie des sols. Je commence à travailler sur la fixation de l’azote, sujet qui occupera une partie de ma carrière. A la suite de cela, Y. Dommergues me propose de partir comme volontaire du service national pour l’Orstom à Dakar. Je n’hésite pas une seconde et passe l’année 1977 au Sénégal. Je suis encadré par…Yvon Dommergues, qui a rejoint l’Orstom, mais aussi par Christian Feller et je réalise de nombreuses expérimentations en particulier avec Bernard Dreyfus. Je commence à rencontrer d’autres chercheurs que ceux de l’Orstom, dans les stations de l’Institut Sénégalais de Recherches Agricoles où je me déplace assez fréquemment comme Bambey, avec Christian Pieri, Francis Ganry et Joseph Wey, ou la très agréable station de Sefa en moyenne Casamance.
A l’issue de mon service national, je rentre en France. Je fais acte de candidature à l’Irat dont les activités de recherche finalisée me tentent plus que des travaux académiques. J’ai l’occasion de rencontrer, à Nogent sur Marne, Claude Bassereau, et je passe un entretien avec Jean Kilian qui a besoin d’un pédologue pour une carte morpho pédologique au Bénin. Le projet n’aboutit pas mais mon CV a circulé et, un jour de fin 1978, je reçois un courrier me proposant de venir travailler à Montpellier avec le statut de « boursier Irat » pour une durée d’un an. C’est Jean Pichot, que mes connaissances sur la fixation de l’azote, sur sa mesure par l’activité réductrice d’acétylène et sur les légumineuses intéressent, qui a obtenu ce poste et me l’a proposé.
Je rejoins donc fin 1978 le centre du Gerdat de l’époque ; Jean Pichot et Truong-Binh m’accueillent et je travaille au quotidien avec Pierre Beunard. Nous montons presque de toutes pièces un petit laboratoire où je cultive des rhizobiums, mesure des Ara et fais pousser en aéroponie des sojas qui nodulent, dans le sous-sol du bâtiment 1.
Les activités se développent petit à petit, au sein de la division d’agronomie dirigée de main de maitre par René Tourte. Plusieurs laboratoires sont actifs, avec Charles Egoumenides en chimie, Michel Fortier en physique ; des chercheurs passent régulièrement, Jean Claude Legoupil, Jacques Gigou, Francis Forest et les jeunes recrutés aux statuts parfois improbables sont nombreux. Je fais la connaissance de Jacques Imbernon, Nour Ahmadi. Il faut composer à l’époque avec un début de matrice division x programme puisqu’il existe à l’Irat un programme Soja, animé par Maurice Tardieu qui est un de mes interlocuteurs.
Je cherche à créer ou maintenir des contacts avec des chercheurs de l’Irat travaillant, de près ou de loin, sur les légumineuses. Reprenant l’idée des essais coordonnés de Jean Pichot, je propose un essai d’inoculation du soja aux collègues expatriés. Plusieurs répondront, formant un petit réseau « fixation de l’azote » à l’Irat : Joseph Wey au Sénégal, Patrick Salez au Cameroun, Christian Samson à Madagascar. Je les appuie autant que faire se peut, par des envois d’inoculum variés ; en retour ils m’expédient des échantillons de nodosités dont j’isole les souches de rhizobiums. En ce début des années 80, les économies d’engrais ne sont pas encore très à la mode mais nos activités sont considérées avec intérêt.
Simultanément je m’engage dans des activités de représentation syndicale. Elu au Comité d’Entreprise de l’Irat, je participe à des négociations avec la direction générale. Certaines de ces réunions dans les locaux de la rue de l’Université m’ont laissé des souvenirs très forts, Francis Bour en particulier m’inspirant un grand respect par son calme et aussi son humanité. Se retrouver en face d’un trio avec lui, Guy Vallaeys et Raoul Tuffery me faisait sentir bien inexpérimenté.
En 1981, Hervé Bichat, qui débute ses activités de fusion des instituts, demande à l’Irat de répondre à une demande du Ministère des Affaires Etrangères de développer des programmes ambitieux avec un centre régional pour la recherche agricole dans le Sud Est asiatique basé aux Philippines, le South East Asian Regional Center for Graduate Studies and Research in Agriculture (Searca). Je suis rapidement identifié comme l’homme de la situation et à la suite de deux missions avec Maurice Tardieu sur place, je suis affecté auprès de ce centre pour y réaliser un programme assez flou, le seul mot clé invoqué étant « légumineuses ». Je pars donc en juin 1982 à Los Banos où je découvre qu’il y a de nombreuses incompréhensions par rapport à mon rôle. Le Searca subit une grève du personnel qui paralyse beaucoup de choses et je me tourne assez rapidement vers l’International Rice Research Institute (Irri), dont les infrastructures sur place sont impressionnantes. Je réussis à intéresser quelques personnes à l’IRRI, dont Richard Morris, chef du département multiple cropping, avec qui je publie un article en anglais, denrée rare à l’époque. Le constat est cependant fait rapidement que le contexte général n’est pas très favorable et mon affectation se termine en 1984. Elle n’a pas été inutile, loin de là : j’ai pu maintenir une activité scientifique correcte, je parle plutôt bien anglais, avec un accent australien parait-il, j’ai fait la connaissance en interne du système de recherche agricole international et j’ai noué avec les très rares expatriés français sur place des liens qui resteront très forts, en particulier Jean-Christophe Glaszmann et sa famille.
De retour à Montpellier, je retrouve le laboratoire que j’ai contribué à créer, l’Irat devenu Cirad a recruté Denis Montange qui est affecté à Madagascar et mes activités prennent une nouvelle dimension avec l’intérêt porté par la FAO à notre travail. En effet, l’idée de doter les pays en développement de capacités de production d’inoculums pour les légumineuses était dans l’air depuis de nombreuses années. Un collègue de l’Inra, Michel Obaton, l’évoquait régulièrement dans les réunions internationales mais sans y donner suite. Lors d’une réunion à Rome, je rencontre un jeune expert associé récemment mis à disposition par la France au service des engrais de la FAO, Serge Verniau. Nous discutons longuement de la manière de faire aboutir ce qui n’était alors qu’une idée. De retour à Montpellier, je convaincs mon chef de l’époque, Christian Pieri, d’investir dans un petit fermenteur robuste et comme les essais sont concluants, nous défendons, Serge et moi, le principe de doter des institutions partenaires de tels équipements. Cela fait l’objet d’un premier « projet » (le mot n’est pas encore usité mais c’est bien de cela qu’il s’agit) au Rwanda.
Cet essai s’avère très fructueux ; il faut dire que nous avons pris le soin de ne pas limiter l’appui du projet à la fourniture d’un équipement. Le laboratoire de Montpellier accueille les partenaires en formation, nous effectuons des recherches, Pierre Beunard et moi, sur les meilleurs supports disponibles localement pour les inoculums et nous essayons de déterminer les souches les plus adaptées au contexte du pays. Cette combinaison appareils + formation + mission d’appui + recherche adaptative se prête très bien au mode projet. Nous donnons au « package » le nom d’Upil pour unité de production d’inoculum pour légumineuses et c’est le début d’une belle aventure.
L’exemple du Rwanda, où l’inoculation est pratiquée sur le soja avec des résultats spectaculaires, convainc la FAO et, par le biais de financements du Technical Cooperation Prgogram, des Upils sont installés au Burundi, au Kenya, en Tanzanie, en Turquie, en Tunisie, au Nicaragua…plusieurs de ces pays ne font pas partie des lieux habituels de travail de l’Irat. Parmi eux, le plus exotique est le Bhoutan où je fais une mission d’appui et nous recrutons Jean Alexandre Scaglia qui y sera affecté plusieurs mois avant de rejoindre la FAO. Les succès obtenus attirent des demandes et par le biais d’autres financements, dont privés, des appareils sont fournis à Madagascar, en Indonésie et à l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) à Vienne où je réalise des sessions de formation.
Cette activité très diversifiée, passionnante, est réalisée depuis Montpellier par une toute petite équipe, Pierre Beunard et moi, avec des aides ponctuelles de collègues comme Marc Neyrat pour la rédaction d’un manuel qui sera édité par la FAO. Elle me met en contact avec de très nombreux partenaires de toutes sortes. Parmi ceux-ci je voudrais citer Athanase Hakizimana, technicien supérieur à l’Institut des Sciences Agronomiques du Rwanda avec qui j’ai cosigné un chapitre d’ouvrage et qui sera assassiné pendant le génocide des années 90.
Du côté de l’Irat, je négocie avec le Bureau des Etudes et des Marchés où Jean Nabos convient que les activités sont intéressantes aussi sur le plan financier et j’ai d’âpres discussions avec lui et Yves Roisin pour essayer de récupérer une partie de nos bénéfices. La notion de budget d’opération de projet n’existe pas encore !
En avril 1990 ma carrière prend un tournant important. Je postule à l’animation du service de documentation de l’Irat, qui vient de déménager de Nogent à Montpellier. La création du département Cultures annuelles amène la fusion des services d’information scientifique et technique de l’Irat, de l’IRCT et d’une partie de l’IRHO. Didier Picard, nommé directeur du département, me confie la responsabilité de l’ensemble documentation + éditions du nouveau département et avec les collègues présents, dont mon adjoint Michel Berger, nous créons le Service des Publications, de l’Information et de la Documentation, le bien nommé Spid qui comprend une vingtaine de personnes. Une de mes motivations était le management d’équipe, je suis servi. Mon responsable est Alain Derevier et un de mes interlocuteurs quotidiens est Jean François Giovannetti, responsable de l’unité centrale d’information scientifique et technique (IST). Il y aura quelques tensions entre nous avant que nous travaillions de concert à l’évolution de ce qui deviendra la délégation à l’IST par la suite, les principales discussions se tenant dans un comité où la Direction scientifique du Cirad est représentée par Michel Eddi, très impliqué dans la démarche.
Les activités du Spid sont nombreuses, exigeantes : éditer des revues, des ouvrages, fournir aux chercheurs et à la direction des informations pertinentes, conserver le patrimoine écrit… De nombreuses décisions doivent être prises, dans le contexte des réformes de l’institution et de l’arrivée de l’informatique qui va bouleverser l’accès à l’information. Nous cessons le titre « L’Agronomie Tropicale » sur laquelle j’ai fait une étude bibliométrique peu favorable, nous créons « Agriculture et développement » qui aura une vie éphémère. Je travaille au quotidien avec toute une équipe, Marie-Claude Deboin, Jacqueline Péricé, Claire Jourdan-Ruf, Cécile Fovet-Rabot et bien d’autres. Nous accueillons des stagiaires, parmi lesquels Tristan Le Cotty qui sera par la suite recruté comme chercheur.
L’arrivée de Bernard Bachelier à la direction générale du Cirad est suivie de la nomination de nouveaux directeurs de département et en 1997 Hubert Manichon me propose de rejoindre l’équipe qu’il est en train de constituer pour diriger le département Cultures annuelles. J’accepte, je succède à Jean Claude Follin et je deviens directeur adjoint chargé de l’animation scientifique (Daas) en binôme avec Rolland Guis, chargé de la coopération et du partenariat. C’est (encore !) une période de grandes réformes au Cirad, création de nouveaux départements, définition de la notion de programmes… je participe à ces réflexions avec les autres Daas, Jacky Ganry, Dominique Nicolas, Vincent Dollé, Bernard Mallet et bien d’autres. Cela se fait dans des réunions animées par Michel Dron puis Michel Griffon.
A cette époque, ma position dans une équipe de direction me parait incompatible avec la représentation du personnel que j’assurais au Conseil scientifique où j’étais élu, je démissionne en regrettant les réunions très intéressantes du Conseil, sous la houlette de présidents souvent brillants comme André Berkaloff ou Alain Pavé.
Le système se stabilise avec la nomination de quatre chefs de programme (Pierre Fabre, cultures alimentaires ; Etienne Hainzelin, canne à sucre ; Jean Philippe Deguine, coton ; Francis Forest, gestion des écosystèmes cultivés). Autant dire que les réunions de direction du département étaient animées et qu’il pouvait être difficile d’y trouver sa place.
En 1999, Alain Capillon remplace Hubert Manichon et Il se rend rapidement compte que je ne suis pas très à l’aise dans le rôle qui m’est confié. Nous avons de longues discussions au cours desquelles j’ai pu apprécier son écoute et il me propose alors de revenir à la recherche avec une affectation à la Réunion sur la thématique du recyclage des déchets, qui lui semble stratégique pour ce Dom. Cette affectation est un peu longue à se dessiner, je suis aidé dans les discussions sur mon insertion à la Réunion par Jean Philippe Tonneau, par Michel Griffon qui conduit le chantier de relance stratégique et, bien sûr par Alain Capillon.
Je rejoins la Réunion en juin 2001, chercheur rattaché au programme Gec dirigé par Francis Forest qui m’assure un appui important. La relance stratégique nous permet de renforcer rapidement l’équipe avec les recrutements de Frédéric Feder, puis de Emmanuel Doelsch. Je travaille sur place avec Pierre-François Chabalier, François Guerrin, détaché de l’Inra, Jean Michel Médoc, recruté de la Mission de Valorisation Agricole des Déchets de la Chambre d’Agriculture et je maintiens un contact étroit avec Jean Marie Paillat, qui a quitté la Réunion peu de temps avant moi et Jean Luc Farinet qui a toujours été le référent recyclage au sein du programme. Les premières activités s’inscrivent dans le cadre du Pôle Agriculture Durable, Environnement et Forêt Adef, animé par Marc Piraux, avec des chercheurs d’autres départements comme Cécile Martignac et Sigrid Aubert, et l’appui du personnel recruté sur place, parmi lesquels la formidable Josie Carpanin et le très sympathique Géraud Moussard. Nous recevons la visite de Patrick Caron qui nous encourage.
A l’occasion des reconfigurations du dispositif du Cirad en unités de recherche, je travaille activement à la création d’une unité centrée sur la question du risque environnemental lié au recyclage des déchets en agriculture. Cela se fait avec les personnes de la Réunion citées plus haut, auxquelles viennent s’ajouter des spécialistes de sciences du sol comme Francis Ganry ou Robert Oliver et des pédologues comme Gérard Bourgeon.
Finalement, la création de cette unité est acceptée. Elle se nomme Recyclage et Risque. Nous l’avons voulue pluridisciplinaire, reliant sciences biophysiques et de gestion. Elle est composée de personnes venant des trois départements CA, Amis et Tera… peu d’unités ont réussi ce brassage et elle perdure jusqu’à ce jour (2024) au sein du département Persyst. A ce stade, il faut citer Brigitte Mayor, assistante de l’unité dès sa création et jusqu’à ce jour. Elle est un des piliers de l’unité, toujours disponible, fiable et efficace.
L’animation de cette unité de 2005 à 2012 va constituer mon activité unique. J’ai la possibilité de recruter des chercheurs, (Laurent Thuriès, Tom Wassenaar, Samuel Legros, Matthieu Bravin). Cela permet de faire évoluer les thématiques de l’unité vers l’évaluation environnementale par analyse de cycle de vie ou le risque posé par les micropolluants dans les sols.
A la Réunion, point central de l’unité au départ, je noue des contacts nombreux avec d’autres unités de recherche, celle sur la canne à sucre avec Bernard Siegmund, l’élevage avec Patrice Grimaud que je retrouverai plus tard. Je collabore activement avec les organismes locaux, en particulier la MVAD, la Direction de l’Agriculture et de la Forêt et la Fédération Réunionnaise des Coopératives Agricoles (FRCA). Nous écrivons, avec Virginie Van de Kerchove et Pierre François Chabalier un guide de la fertilisation organique à la Réunion et, avec Isabelle Bracco un atlas des matières organiques de l’Ile. C’est aussi avec l’aide d’Isabelle Bracco que nous parvenons à obtenir des dérogations locales aux règles d’épandage des boues de station d’épuration. Pour cela nous nous sommes basés sur les travaux d’Emmanuel Doelsch menés en collaboration étroite avec le Centre Européen de Géochimie de l’Environnement (Cerege) où nos amis Jean Yves Bottero, Jérome Rose et Armand Masion nous appuient. Cette dérogation ouvre la voie à des pratiques de recyclage auparavant impossibles dans l’Ile. Les activités de l’unité commencent à se faire connaitre, par le biais de thèses comme celle de Nicolas Payet, dont j’assure l’encadrement et qui est dirigée par Michel Vauclin, du Laboratoire des Transferts en Hydrologie et Environnement (LTHE) de Grenoble. Michel nous rend visite à plusieurs reprises, ce qui est l’occasion d’échanges fructueux avec Jean Louis Chopart qui le connait depuis longtemps. Avec ces travaux, le Cirad devient un interlocuteur reconnu sur la question du recyclage des matières organiques et nous sommes contactés par Veolia qui crée la plus grosse station d’épuration de l’Ile à Sainte Marie. Nous signons avec eux une convention de dix ans, elle va permettre d’équiper de façon pérenne un site expérimental à La Mare. Ce dispositif s’intègre dans un réseau national de sites d’observation de l’environnement, il est toujours en fonctionnement aujourd’hui.
Les neuf années passées à la Réunion ont été pour moi très riches d’enseignements, de contacts et je garde un souvenir très fort de quelques personnes que j’y ai côtoyées, en particulier le regretté Gabriel de Taffin, dont l’action comme Directeur Régional a été exemplaire.
En 2009, je rejoins Montpellier d’où je continue de diriger l’unité de recherche. Je cherche à diversifier les lieux de présence de l’unité qui est limitée à la Réunion et Montpellier. Après des tentatives infructueuses au Vietnam, un projet obtenu à l’Agence Nationale de la Recherche nous permet de nouer des contacts plus étroits avec le Sénégal où les équipes de l’UMR Eco&Sols sont présentes. Suivront les affectations de Frédéric Feder, de Jean Michel Médoc et de Samuel Legros, entre autres.
En 2013, Robert Habib, qui dirige le département Persyst, est rappelé à l’Inra et son adjoint François Cote lui succède. Robert et François me sollicitent pour être directeur adjoint, ce que j’accepte. Pendant trois ans François et moi allons fonctionner de façon très agréable, dans une confiance réciproque. Nadine Zakhia Rozis rejoint l’équipe de direction où Sylvie Daux, Anne Dutour et Laurence Schmitt assurent un appui précieux. Nous contribuons à l’orientation du Cirad vers des thématiques répondant aux besoins de la société : analyse de cycle de vie, agroécologie, changement climatique… A l’occasion de la COP 21, Stéphane Le Fol lance l’idée de l’initiative 4 pour 1000 ; je me propose comme référent de l’initiative pour le Cirad car la thématique m’intéresse. Patrick Caron, alors Directeur Général Délégué à la Recherche et la Stratégie, accepte et je suis amené à travailler de près avec Jean Francois Soussana, de l’Inra, et Jean Luc Chotte, de l’IRD et à participer à la grande messe de la COP 21 à Paris, porteuse de beaucoup d’espoirs qui ne seront pas tous exaucés, malheureusement.
Le travail à la direction de département est varié ; le Cirad cherche à augmenter et à diversifier ses financements hors subvention publique. Il faut se familiariser aux indicateurs que les gestionnaires et les valos nous fournissent… j’en profite pour faire un peu de pédagogie à destination des directeurs d’unité avec un diaporama « L’indicateur net pour les Nuls » qui rencontre un certain succès… y compris chez les financiers comme Sloan Saletes et Jean Claude Raymond qui sont les principaux correspondants de la direction de département. Mais le principal du travail, celui qui prend du temps et de l’énergie, mais aussi le plus gratifiant concerne les personnes du département, leur recrutement – le plaisir de présider des jurys, d’identifier des candidats de qualité et de les retrouver, quelques années après passionnés par leurs activités – et aussi les cas difficiles, les souffrances aussi bien individuelles que collectives. Ce sont des situations délicates que les DU n’ont pas toujours les moyens de régler et il revient souvent au département de le faire. Ainsi le cas du groupe de chercheurs travaillant sur la pisciculture m’occupe-t-il un bon moment, Olivier Mikolasek accepte de se charger de la migration du collectif au sein de l’Institut des Sciences de l’Evolution (Isem), je lui en suis reconnaissant.
Après un peu plus de trois ans dans la fonction de directeur adjoint, je ressens un peu de lassitude devant le rythme régulier mais élevé des réunions institutionnelles. Le poste de directeur régional Afrique australe et Madagascar (AAM) s’ouvre, le virus des voyages et de l’Afrique se réveille. Je postule et suis sélectionné par un jury… ce que je ne pensais plus avoir à faire compte tenu de mes 40 ans ou presque d’ancienneté au Cirad.
C’est un nouveau métier que je découvre, bien aidé en cela par mon prédécesseur dans le poste, Pascal Danthu, mais aussi les conseils de Patrice Grimaud et François Monicat. Je découvre aussi, en particulier dans des pays comme le Zimbabwe les activités passionnantes des chercheurs expatriés de la Région AAM. Je réalise que les dispositifs en partenariat (dP) créés par le Cirad, dont je n’avais une vue que montpelliéraine, constituent de formidables outils de partenariat, certes, mais aussi de communication avec les organismes de financement qui ont parfois du mal à comprendre nos modes de fonctionnement et notre valeur ajoutée.
La région AAM est très variée, elle abrite près de 30 chercheurs, 4 dispositifs en partenariat, chaque collectif ayant sa spécificité, souvent liée à l’histoire. Ainsi entre les discussions parfois épineuses avec l’Université de Pretoria en Afrique du Sud d’un côté et la confiance bâtie depuis plusieurs décennies avec le Centre de Recherches Agricoles de Madagascar (Fofifa) d’un autre, le grand écart est permanent. C’est cependant un poste passionnant, stimulant, il me permet de retrouver des chercheurs croisés rapidement ailleurs et avec lesquels le statut d’expatrié crée des liens beaucoup plus forts. A Madagascar c’est le cas avec Paulo Salgado, Jean Pierre Bouillet, Jérome Queste, Bertrand Muller, Patrice Autfray, Aude Ripoche et Jean Marc Bouvet sans oublier Jean François Bélières avec qui une véritable amitié se crée. En Afrique australe je retrouve Patrice Grimaud, Bruno Losch, Damien Jourdain et sur le tard Muriel Figuie et François Affholder. Mais je fais aussi la connaissance d’autres Ciradiens, comme Perrine Burnod, Kirsten Von Broke, Sarah Audouin, Sara Mercandalli et toute l’équipe du Zimbabwe / Mozambique : Alexandre Caron, Mathieu Bourgarel, Laure Guerrini, Remi Cardinael…
Je fais aussi la connaissance du personnel recruté localement par le Cirad à Madagascar et ailleurs. Ce sont tous des personnes très attachantes, dévouées à l’établissement et recrutées avec des statuts parfois bancals. Je m’attache à rétablir une certaine équité, en regrettant le manque de considération que l’établissement porte à ces personnes pourtant indispensables. Je citerai ici mes assistantes à Antananarivo, Soary et Felana, Jean Michel Arimanantsoa et Robert, guide et chauffeur patient dans les embouteillages de la capitale malgache.
Le développement des partenariats est une véritable profession, qui mêle la diplomatie, la science, les aspects juridiques, le tout pouvant varier d’un pays à l’autre. Il s’y ajoute de plus en plus les aspects de recherche et de négociations de financements, comme dans toutes les activités de recherche. Je m’y investis beaucoup, à l’occasion de l’arrivée sur la scène des financements européens Desira qui semblent taillés sur mesure pour le Cirad (merci Pierre Fabre !). J’y suis très efficacement appuyé par les services d’appui de Montpellier, avec en particulier Sandra Vander Stuyft qui effectue plusieurs missions dans la région AAM. Mais d’autres sources de financement non négligeables existent, parmi lesquelles celles des projets de la Banque Mondiale comme Casef – où j’embarque presque contre son gré mon ami Jean François Bélières – ou Padap pour lequel Jean Philippe Tonneau accepte de s’investir, ce qu’il fera comme toujours avec une énergie considérable.
J’entame la quatrième année de mon poste quand, en mars 2020, le cataclysme du Covid vient tout bouleverser : tous les pays de la région se ferment, les avions s’arrêtent, et la très grande majorité des expatriés, qui sont coincés dans leur pays d’affectation, se pose de très nombreuses questions. L’arrivée progressive du virus dans tous les pays oblige à complètement réviser, dans un climat d’inquiétude générale, tous nos modes de fonctionnement. Plus de déplacements, uniquement des réunions à distance, beaucoup de questions restées sans réponse, de ma part comme de la direction générale… il ne m’est pas difficile, dans ces conditions de faire valoir mes droits à la retraite. Je quitte Madagascar le 19 juillet 2020, je n’ai pas besoin de séjourner au centre de Montpellier compte tenu de mes droits à congés et je n’en avais pas très envie, le désert des bâtiments à cette époque ne donnant pas très envie d’y séjourner.
Dans cet exercice de retour sur ma carrière j’ai sans doute oublié beaucoup de personnes qu’il aurait fallu citer, qu’elles m’en excusent. S’il fallait mentionner ce que je retiens en premier lieu de ces 42 années passées au Cirad, ce ne sont pas tant les publications ou les colloques auxquels j’ai pu participer mais plutôt les rencontres que j’ai faites, les personnes que j’ai recrutées, celles que j’ai pu aider dans leurs moments difficiles et celles qui m’ont conseillé et appuyé dans mes choix. Le Cirad est une belle institution où il est possible de dialoguer, de convaincre et finalement de réaliser ce à quoi l’on tient. Je souhaite au Cirad, aux femmes et aux hommes qui le composent qu’il conserve cet état d’esprit, ils le méritent.
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