Mes souliers africains sont tous morts à la tâche.
C’étaient des Pataugas, empeigne de coton,
Semelle en caoutchouc protégeant le talon.
Ils m’ont conduit partout, simplement, sans relâche.
Mes souliers ont souffert souvent dans les marais
Qu’il fallait parcourir pourtant, coûte que coûte
Pataugeant, subissant ces bêtes qu’on redoute
Moustiques ravageurs, amateurs de sang frais.
Mes souliers ont vécu dans la savane immense
Découvrant en tous lieux des hommes obstinés
Travaillant cette terre ainsi que leurs ainés
Sur la terre courbés dans un effort intense.
Mes souliers ont vécu longtemps dans la forêt
Parfois pleine de cris, parfois silencieuse.
Dans cette ombre oppressante et souvent si trompeuse.
Ils m’ont conduit partout sans peur et sans regret.
Mes souliers ont œuvré sur la terre africaine
Pour donner aux enfants du riz ou bien du mil
Pour sans doute éviter qu’ils ne fuient en exil,
Pour faire de leur vie une existence humaine.
Mes souliers de tout cœur je vous dis grand merci
Sans vous qu’aurais-je fait là-bas près du tropique ?
Sans vous je n’aurais vus tous ces gens de l’Afrique ?
Sans vous aurais-je pu voir leur sort adouci ?
Mes souliers africains qui sont morts à la tâche
Referaient le parcours s’il le fallait encore
Seulement pour les gens, oubliant le décor
Seulement pour l’Afrique avec ou sans panache.
RB 22/02/2017
Commentaires
d'un fantassin au long cour et chercheur baroudeur
Pédologue aguerri, humaniste certain
Et si bien balancés ses beaux alexandrins !
Cette chaussure coton et caoutchouc,
parente éloignée de l'espartègne espagnole,
garantie cent pour cent en sparte des Indes
patiemment tressé par des mains féminines
celles des Souletines et des hirondelles navarro-aragonaises !
Modeste espartègne émancipée en fameuse espadrille
qui fit longtemps la prospérité de Mauléon-Licharre.
Avec les pataugas, adieu au sparte et bienvenue au caoutchouc
et à une toile coton plus renforcée, peut-être de Nimes,
pour sortir des sentiers battus et explorer de lointaines contrées
C'est en effet chaussé de pataugas pour la brousse
et d'espadrilles pour la pétanque du soir au club
que je débarquais en 1982 à Bébedjia, Tchad méridional
sur ordonnance expresse de mon chef de division
d'agronomie cotonnière, corps d'armée IRCT.
Pataugas et ciradiens auraient-ils destins liés ?
Parfaitement adaptés aux terrains secs et sablonneux,
ainsi qu'aux épisodes de patauge obligés,
par exemple en pleine saison des pluies
pour traverser radiers ou ravines en crue
où de fâcheuses rencontres avec des scorpions restaient possibles
perchés qu'ils se tenaient en haut de grands bois couchés par les flots.