Didier Picard – 25 octobre 2021
Didier Picard, âgé de 80 ans, ancien directeur du département cultures annuelles du Cirad de 1991 à 1993 et directeur scientifique du Cirad de 1993 à 1996, est mort lundi 25 octobre 2021 au terme d'une lutte courageuse contre la maladie à corps de Lewy.
D'une enfance et adolescence passées en Tunisie, il avait gardé une sensibilité pour le développement et l'idée que l'agronomie pouvait y contribuer. Pendant ses études d'ingénieur à l'Ina-Paris, il s'oriente vers la recherche en milieu tropical et rejoint l'Orstom. Son premier poste est en Côte d'Ivoire où il arrive en 1965. Au sein d'un programme sur l'introduction de soles herbagères dans les rotations de cultures, il s'intéresse à la dynamique racinaire des graminées et des légumineuses. En 1975, l'Orstom l'affecte au Viet Nam pour y poursuivre ses travaux sur les graminées tropicales. La chute de Saïgon, en avril, met de facto un terme à cette recherche au Viet Nam, même si Didier Picard ne pourra regagner la France qu'en novembre 1975. Après une année sabbatique passée au centre Inra de Lusignan et une autre année passée au centre CEA de Cadarache pour s'initier à l'utilisation des isotopes radioactifs, il intègre l'Inra en 1978 et est affecté en Guadeloupe pour étudier le fonctionnement des systèmes de cultures de ce territoire.
En 1980, il rejoint le centre Inra de Colmar pour y diriger l'unité d'agronomie. Il y développe plusieurs programmes, dont un sur les systèmes de cultures à base de maïs où il étudie l'enracinement de cette plante. En 1985, il prend la direction du département d'agronomie de l'Inra à Grignon et y développe une approche agronomique fondée sur l'écophysiologie, complémentaire de l'approche bioclimatologiste, et défendant une vision de l'agronomie connectée à la profession agricole et bien distincte de la biologie moléculaire. Conscient de l'importance de la dimension européenne de la recherche, il œuvre, dès 1988, à la création de la Société européenne d'agronomie, qui est lancée en 1991.
En 1991, le Cirad, structuré à l’époque en onze départements issus des instituts de recherche agricole tropicale, souhaite améliorer l'intégration de ses activités sur les cultures annuelles en fusionnant l'ancien Institut de recherches agronomiques tropicales et des cultures vivrières (Irat), l'ancien Institut de recherches sur le coton et les textiles exotiques (IRCT), et le programme arachide dépendant de l'Institut de recherches pour les huiles et oléagineux (IRHO). Didier Picard accepte cette mission de réorganisation et devient le premier directeur du département cultures annuelles (Cirad-Ca). Il y lance trois programmes liés aux systèmes de culture : cultures vivrières paysannes, cultures cotonnières paysannes, et cultures intensifiées et canne à sucre. En 1993, A la demande du directeur général du Cirad, Michel de Nucé de Lamothe, il devient le directeur scientifique de l'ensemble du Cirad en étant particulièrement attentif à la transposition des systèmes de culture avec couverture végétale (SCV) dans le contexte des agricultures paysannes.
Janvier 1997 voit son retour à l'Inra. Il y sera successivement président du centre de Versailles-Grignon jusqu'en 2002, puis directeur de la Direction de l'action régionale, de l'enseignement supérieur et de l'europe (DARESE) jusqu'à son départ à la retraite en 2006.
Acteur de la recherche agronomique tropicale et tempérée pendant plus de 40 ans, Didier Picard avait clairement conscience des responsabilités qui pesaient sur les épaules des agronomes pour trouver des solutions à la question de nourrir une planète de plus en plus peuplée. Il avait une connaissance précise des limites des agricultures (intensive, biologique ou raisonnée) à satisfaire les critères de durabilité, et voyait des solutions innovantes à explorer (comme les SCV) pour faire émerger une agriculture plus durable. Son propre parcours, fait d'allers-retours entre la recherche tropicale et tempérée l'avait conforté dans l'idée que ces deux domaines pouvaient s'interféconder. Défenseur d'une agronomie enracinée dans les attentes des producteurs et faisant appel à d'autres disciplines (en particulier les sciences humaines et sociales) pour se déployer, Didier Picard était également un fervent partisan de la coopération scientifique Internationale et de la construction d'un espace européen de la recherche agronomique.
Tous ceux qui ont eu la chance de travailler avec lui au sein du Cirad, savent que nous venons de perdre un grand scientifique qui a marqué la construction du Cirad mais aussi un collègue au caractère chaleureux et amical, doté d’un sens de l’humour capable de détendre les atmosphères parfois conflictuelles dans les débats scientifiques. Il restera aussi l’incarnation des relations fortes et utiles entre le Cirad et l’Inra.
La revue Cahiers Agricultures a publié un hommage à Didier Picard.
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