LichouNotre collègue Jean Lichou, ancien de l’Irfa, nous a quittés le 25 mai 2021 à l’âge de 75 ans.

Jean Lichou est né le 20 janvier 1946 à Montpellier au sein d’une fratrie de quatre sœurs et un frère.

Après ses études secondaires en Bretagne, Jean s’inscrit aux classes préparatoires aux grandes écoles au lycée agricole du Chesnoy (près de Montargis dans le Loiret), à l’issue desquelles il réussit le concours d’entrée à l’Ecole nationale supérieure d’horticulture (ENSH) de Versailles.

Major de sa promotion (la 95e), il attire l’attention de l’Institut de recherches sur les fruits et agrumes (Irfa) qui lui offre en 3e année une bourse d’études avec d’une part un stage à la Station de recherche agronomique (SRA) de San Giuliano en Corse, stage qui se concrétisera par une publication dans la revue « Fruits » avec Robert Vogel sur la dichogamie de l’avocatier ; d’autre part, titulaire du diplôme d’ingénieur horticole, par une affectation (sous statut de VSN), fin 1972, sur le dispositif de recherches de l’Irfa au Mali.

Accueilli par ses collègues Alain Darthenucq et Jean-Yves Rey, Jean Lichou exerce ses fonctions de jeune agronome chercheur au centre national de recherches fruitières de Bamako et sur les stations satellites de Sikasso et Yanfolila. Il participe aux travaux d’introduction, de sélection, de multiplication, de diffusion d’espèces fruitières tropicales et de vulgarisation de systèmes de culture en zone sahélienne notamment les agrumes et le manguier. En milieu villageois, il s’implique dans une opération originale d’extraction d’essences d’écorce d’orange et de bergamote par voie mécanique au moyen d’une machine manuelle efficace (la schwobinette) conçue par un ingénieur de l’institut.

Fin 1973, à l’issue de son temps de VSN, Jean devait être embauché par l’Irfa mais des difficultés temporaires de présence de l’institut au Mali, au Congo, à Madagascar et en République centrafricaine ont conduit à différer son recrutement. Dans cette attente, Jean est rentré en France pour occuper un poste de direction au service des parcs et jardins de la ville de Rennes.

Fin 1974, un poste s’étant libéré à la Réunion, Jean accepte la proposition de recrutement par l’Irfa en qualité de chercheur au programme fruitiers, dirigé par Jean-Claude Praloran puis par Jean-Pierre Gaillard avec localisation sur la station de Bassin Martin près de St Pierre. Jean s’intègre à l’équipe de chercheurs composée de Bernard Aubert, Claude Vuillaume, Patrick Fournier, Serge Quilici sous la direction de Jean Letorey puis de Bernard Moreau.

A la Réunion, Jean est chargé principalement d’un programme de recherche original et nouveau dans l’institut à savoir l’introduction, la sélection d’espèces fruitières tempérées et la mise au point de systèmes de conduite et de culture de ces espèces en zone tropicale d’altitude.

Jean Lichou concentre ses recherches sur le pêcher, l’abricotier, le prunier japonais, le pommier et le fraisier dans les zones d’altitude comprises entre 600 et 1500 m. Il met en place un large dispositif expérimental sur stations et chez les agriculteurs des Hauts de la Réunion (Côte ouest) à Carreau Alfred, Petite France, Bras sec (Cilaos), Petite plaine, Plaine des Cafres et Plaine des Palmistes.

Ses recherches portent sur la sélection de variétés à faible exigence en froid, sur la pollinisation, la nouaison, la qualité des fruits, les techniques de taille et de conduite. Durant les huit années passées à la Réunion, Jean Lichou a obtenu suffisamment de connaissances et de résultats pour faire décoller localement deux filières de production de fruits tempérés : la pêche et la fraise (avec les variétés « day neutral »)La vulgarisation de ces innovations chez les agriculteurs cultivant des légumes et ou du géranium rosa a été facilitée d’une part par l’appui des techniciens du Suad (Service d'utilité agricole et de développement) encadrés par l’Irfa, notamment Lucien Picard, et par l’attribution de subventions à la plantation par le département. L’ensemble de ces travaux a fait l’objet de nombreuses fiches techniques et publications reconnues par la section fruitiers tempérés en zone tropicale de l’International society of horticultural science(ISHS) animée par le professeur Franck Dennis, par la chaire d’arboriculture fruitière de l’ENSA de Montpellier dirigée par le professeur Jean Hugard et par Philippe Roudeillac, obtenteur de variétés de fraisiers au Centre interprofessionnel de recherche sur le fraisier (Ciref).

Conscient que dans le cadre de l’irfa, son périmètre de recherche étant limité aux régions tropicales d’altitude et voulant mieux valoriser sur le long terme ses acquis sur les fruitiers tempérés, Jean a saisi l’opportunité de répondre à un appel à candidature du Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL). Ce centre le recrute fin 1982 pour lui confier l’animation de l’Association régionale d’expérimentation en fruits et légumes de la région Rhône-Alpes (ARFEL). A la Réunion, ses recherches sont poursuivies par Eric Parisot, appuyé par des étudiants de 3e cycle.

En 1990, le CTIFL l’affecte sur son centre de recherches de Balandran à Bellegarde dans le Gard. Intégré dans une équipe de recherche pluridisciplinaire conséquente et disposant de moyens en phase avec la demande de la profession, Jean est responsable de l’ensemble des expérimentations conduites par l’équipe sur les fruitiers à noyau et plus personnellement sur le cerisier et l’abricotier. Ses travaux de recherche sur la pollinisation, l’autofertilité et l’éclaircissage de ces deux espèces font date. En témoignent ses publications d’articles et d’ouvrages. Il occupe cette fonction pendant une vingtaine d’années, jusqu’à sa retraite. Cette longue carrière de chercheur consacrée aux fruitiers tempérés n’a jamais effacé de sa mémoire sa première expérience au Mali et sa prise de conscience des effets du sous-développement sur la malnutrition des populations rurales africaines. Imprégné d’humanisme et du souci du partage des savoirs, il adhère dès 1985 à une association à but humanitaire, Microfel (Micro-projets en fruits et légumes dans les pays en développement) dont l’objet social est l’assistance alimentaire en fruits et légumes auprès des plus démunis des pays du Sud. Jean Lichou, intervenant lui-même souvent outre-mer, est élu président de cette association en 2000. Il abandonne avec regret cette présidence, qui depuis sa retraite l’occupait à temps complet, fin 2020 pour raison de santé. L’équipe de bénévoles qu’il anime, dont nos collègues Claude Teisson et René Billaz (membre du conseil d’administration) intervient principalement à Madagascar, au Burkina et secondairement au Mali et au Niger. Les interventions de Microfel sont efficaces car en prise directe avec les paysans et les organisations villageoises. Toute l’organisation, le fonctionnement, les partenaires, les moyens et les réalisations de cette association sont publiées sur le site www.microfel.org.

Les actions orchestrées par Jean Lichou, ses collègues experts métropolitains bénévoles et ses collaborateurs de terrain africains et malgaches consistaient à créer avec les paysans des parcelles individuelles ou collectives de production de fruits et légumes avec gestion intégrée de la formation aux pratiques culturales, du crédit, des systèmes de culture, de conservation, de commercialisation dont la finalité était l’amélioration de l’alimentation des populations locales et la lutte contre la pauvreté. Pour Jean Lichou, très méticuleux et exigeant, son engagement dans Microfel était davantage vécu comme une vocation que comme de l’assistance technique classique. Il avait une attention toute particulière pour la durabilité de ses projets au travers de la gestion des ressources, de l’eau et de la matière organique dans les micro-exploitations sans oublier une relation de confiance entre les paysans, paysannes et les collaborateurs et experts de Microfel.

Dans sa vie professionnelle, humanitaire, familiale Jean avait peu de temps à consacrer à ses loisirs : le ski de randonnée et la pêche en mer sur les côtes bretonnes. Ces dernières années consacrées aux plus démunis ne lui faisait jamais oublier le bien-être de sa proche famille. Inquiet et lucide sur l’évolution de la maladie qui l’a emporté, il a tout fait pour prévenir, sereinement et avec tout l’entourage affectif de ses enfants, l’avenir de son épouse.

Jean Lichou reste pour les anciens du Cirad qui l’ont connu, pour la communauté scientifique et professionnelle des filières fruits et légumes, pour la famille des « Horti », pour sa propre famille un modèle de construction intellectuelle et une mise en pratique de la maitrise de la recherche au service du développement.

Jean Lichou repose désormais dans cette mer de Bretagne qu’il aimait tant.

Que son épouse Hélène, que leurs enfants Gael, Anne, Catherine et leurs sept petits enfants soient fiers de leur père et assurés de notre gratitude et sympathie.

L’Amicale des anciens du Cirad


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