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Nous venons d'apprendre avec tristesse le décès de notre collègue Jean-Louis Jacob, le 8 décembre 2023, à l'âge de 84 ans.

Jean-Louis Jacob avait été recruté à l'Irca en 1967 alors qu'il finalisait sa thèse d'Etat sur la physiologie enzymatique du tissu laticifère de l'hévéa. Il a alors occupé un poste de biochimiste et physiologiste au laboratoire de la rue Scheffer à Paris. Il est descendu à Montpellier dès l'ouverture du centre Gerdat en 1975. II fut ensuite sans discontinuer le chef du laboratoire de physiologie de l'hévéa à Lavalette, avec à ses côtés Jean-Claude Prévôt et Anne Clément-Vidal. Ses recherches étaient étroitement liées à celles sur le fonctionnement du système laticifère de l'hévéa dans les essais de physiologie-exploitation en champ qui étaient poursuivies par Régis Lacote, Eric Serres et leur équipe ivoirienne au centre Irca de Bimbresso en Côte d'Ivoire et par Dominique Roussel au Cameroun. Jean-Louis participait plus largement au pilotage des recherches de l'Irca, notamment lors de la mission annuelle commune qu'il réalisait à Bimbresso avec Jean d'Auzac, ancien chercheur de l'Irci au Vietnam, professeur à l'université de Montpellier, et président du Conseil scientifique et technique du caoutchouc, et Paul Gener, directeur agronomique de l'irca. Ses nombreuses missions l'emmenaient sur tous les endroits où l'avenir du caoutchouc naturel se préparait : en Thaïlande, au Vietnam, en Chine, au Cameroun, au Gabon, et même à Akron aux USA, la capitale américaine du caoutchouc. Ses recherches en enzymologie l'ont conduit, avec une équipe élargie par la collaboration avec l'IRD (autrefois Orstom), à bâtir un modèle conceptuel du fonctionnement du tissu laticifère de l'hévéa, perçu comme un compartiment semi-autonome de cet arbre, et à élaborer le diagnostic latex actuel (DL) pour un suivi de l'état physiologique des parcelles saignées, permettant d'ajuster l'intensité d'exploitation et de respecter l'équilibre métabolique des arbres. Reprenant les travaux existants, notamment ceux d'Elisabeth de Faÿ, il a contribué à la clarification de la compréhension du syndrome de l'encoche sèche, en distinguant sa forme simple réversible, sans signe extérieur apparent, et sa forme quasi irréversible ou brown bast. Tous ces travaux ont participé à l'approche « française » de l'utilisation de lastimulation éthylénique comme outil compensatoire de la réduction de fréquence de saignée, afin d'améliorer la productivité du travail sur les plantations, et cette méthode, expérimentée par Jean-Marie Eschbach et Eric Gohet, a ensuite été rapidement reprise par les plantations en Afrique puis en Asie. Parmi ses très nombreuses publications, on retient principalement l'ouvrage collectif Physiology of rubber tree latex publié par CRC Press, en 1989, dont il fut éditeur avec Jean d'Auzac et Hervé Chrestin (Orstom). Un peu plus tard, en 1995, il rendait compte plus largement de ces recherches à la communauté scientifique dans un article du journal La Recherche : Une usine à caoutchouc naturel : l'hévéa.

A partir de 1990, il s'est ouvert à une nouvelle discipline, la physiologie moléculaire appliquée à l'hévéa, participant notamment à l'encadrement de la thèse de Valérie Pujade-Renaud, puis au lancement du premier projet de coopération du Cirad avec la Thaïlande dans ce domaine. Sous sa direction bienveillante et chaleureuse, de nombreux étudiants et chercheurs se sont formés dans son laboratoire, produisant des thèses telles que celles de Régis Lacote et de Eric Gohet portant sur la relation entre la teneur en saccharose au sein du laticifère et la production de latex. Le passage au laboratoire de collègues étrangers a parfois généré de forts sentiments d'amitié comme celle que Jean-Louis avait pour le chercheur malaisien HY Yeang. Au sein de l'IRRDB (International Rubber Research and Development Board), Jean-Louis fut Liaison Officer du groupe de physiologie, et à ce titre animateur scientifique de ce groupe. Peu avant son départ en retraite, en 1999, il prit le relais de Jean d'Auzac comme conseiller scientifique de l'Institut français du caoutchouc.

Ses collègues gardent le souvenir de sa passion pour son métier, de son honnêteté intellectuelle, de son attention aux autres, de l'amitié qu'il leur portait, de son sourire et même de ses éclats de rire. Jean-Louis était officier de l'ordre national du Mérite. Le labo « physio hévéa » du bâtiment 1 du Cirad-Lavalette était le lieu d'un café convivial, chaque jour après le déjeuner, où quiconque était accueilli chaleureusement.

Après son départ en retraite, Jean-Louis s'était lancé dans l'aquarelle, et quand il repassait au Cirad pour s'inviter au fameux café, il montrait ses œuvres. On l'interroge un jour sur ses progrès et il répond : J'ai arrêté ..., car je me suis rendu compte : pour faire de l'aquarelle, il faut du talent ! Un propos à l'image de sa curiosité, mais aussi de sa conscience de ses limites, en fait de sa modestie naturelle.

   

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