Notre vieux camarade Jacques Dubois nous a quitté ce 31 mai 2014, au terme d'une pénible maladie vécue dans une maison de retraite de Haute Vienne et achevée à l'hôpital de Saint Léonard de Noblat.
Il était né le 18 septembre 1920 à Magnac-sur-Touvre (Charente). Ayant terminé son cursus scolaire à l'École nationale supérieure d'Agronomie de Grignon (1941-1943) et opté pour une carrière outre-mer, il s'était spécialisé en pédologie à l'École supérieure d'Application d'Agriculture tropicale, Section recherche, sous la haute autorité du maître Georges Aubert, à l'ORSC (futur ORSOM puis ORSTOM, actuel IRD).
Affecté au Sénégal, Jacques avait en 1945 rejoint Bambey, alors siège du Secteur soudanais de recherches agronomiques (futur CRA). Il y avait très rapidement acquis une solide connaissance des sols sénégalais et de leurs aptitudes agricoles. Les premières esquisses cartographiques de ces sols portent sa griffe (dès 1946 ! ), en même temps qu'elles font alors de Jacques l'un des meilleurs conseillers des ambitieux projets et actions engagés en milieu paysan, l'application des travaux de la recherche étant déjà pour lui l'objectif primordial.
Cette démarche, associant recherche et souci d'une appropriation rapide de ses résultats par les paysans, fait affecter Jacques en 1955 dans la vallée du Sénégal, auprès de la Mission d'aménagement du Fleuve, qui s'inspire fortement de ses conceptions dans l'élaboration et les premières réalisations du grand projet de mise en valeur du Delta. Inébranlable dans ses convictions, au demeurant renforcées par une profonde foi chrétienne, infatigable dans l'action à laquelle il souhaite associer le plus de partenaires partageant ses idées, mais toujours insatisfait et impatient d'aller au-delà, car son humanisme l'exige, Jacques profite de son implantation saint-louisienne et de ses connaissances agro-pédologiques du pays, pour remonter le fleuve jusqu'à Bakel, à la frontière malienne, et pour mieux connaître les populations de la vallée, des plateaux d'alentour. De ces populations il apprécie la grande diversité de leurs systèmes agraires, l'exceptionnelle créativité mais, en même temps, l'importance, voire les graves lacunes dans la satisfaction de leurs besoins essentiels.
Aussi, vers 1975, sa carrière administrative s'achevant, s'engage-t-il dans l'action humanitaire, élaborant même en métropole des systèmes de formation, notamment à une agriculture améliorée de petite mécanisation, au bénéfice d'ouvriers immigrés travaillant en France, mais désireux de retourner au pays et d'y pratiquer des systèmes de production agricole plus productifs que ceux traditionnels.
Puis, incapable d'imaginer une retraite inactive, malheureusement endeuillée par la perte lourde et prématurée de son épouse Thérèse, Jacques crée en 1981, avec quelques amis, son ONG militante, le Groupement de Recherche et de Réalisation pour l'Éco-Développement, le GRED, dont il devient naturellement le président. Sous sa férule très présente, puisqu'il se rendra sur le terrain jusqu'à près de ses 90 ans, s'engage alors une spectaculaire opération de revitalisation de nombreuses petites vallées de la région de Bakel (Sénégal oriental), grâce notamment à l'édification par les paysans partenaires (condition de partenariat obligatoire pour Jacques) de petits barrages en terre consolidés, permettant ainsi une remarquable transformation-diversification des systèmes agraires jusqu'alors pratiqués. C'est probablement l'une des plus belles et durables empreintes que Jacques Dubois aura laissées sur la terre africaine, à laquelle il a consacré plus de 65 années de sa vie.
Ses nombreux amis adressent leurs très vives condoléances à sa fille, à son fils, à ses proches et petits enfants pour la perte de cet homme si généreux et désintéressé, ce "grand homme" nous écrit son successeur au Sénégal, l'ingénieur Assane Dione.
René Tourte
Agro Paris 1943, ESAAT 1945
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