Les OGM, pas de quoi avoir peur ! (Philippe Joudrier) et Faucheurs de science (Gil Rivière-Wekstein)
Le Publieur, 2010
Présentation des ouvrages par Robert Schilling
Après avoir entendu P. Joudrier et lu son ouvrage, on saura mieux décrypter le discours de ceux qui pourfendent les OGM au nom d'a priori idéologiques, exploitant les peurs d'un public et de media souvent mal informés.
Le même éditeur a publié tout récemment les conclusions d'une enquête conduite par Gil Rivière-Wekstein sur les militants écologiques radicaux autoproclamés « faucheurs volontaires » qui sévissent dans nos campagnes et dans nos laboratoires en recourant à la violence et à l'intox : destruction de champs, opérations commando, espionnage d'agriculteurs, montages financiers. Le tout avec l'indulgence, frisant la complicité, de journalistes plus motivés par la recherche de « scoops » que par le souci de la vérité scientifique.
Dans la première partie de son ouvrage, consacrée aux bases scientifiques de l'amélioration variétale, P. Joudrier rappelle que la transgénèse n'est qu'une méthode de sélection parmi d'autres, maillon actuel et certainement transitoire d'une longue chaîne d'interventions humaines qui a débuté avec la sélection empirique conduite depuis le néolithique. Les premiers animaux et les premières plantes domestiquées, il y a des milliers d'années, étaient déjà des OGM. Avec le développement de l'agriculture intensive, le rythme du renouvellement variétal s'est accéléré, au point que la durée d'utilisation d'une variété annuelle ne dépasse guère actuellement cinq ou six ans, tant l'environnement biologique, économique et technologique est changeant. La sélection traditionnelle ne permet pas de répondre à cette formidable accélération de la demande. Un organisme génétiquement modifié est un organisme chez lequel l'homme a introduit intentionnellement une séquence d'ADN qu'il a isolée et modifiée en laboratoire. On réalise ainsi, de manière volontariste et très précisément ciblée, ce que la sélection traditionnelle réalise par tâtonnements, à force de croisements aléatoires, jusqu'à obtention du transfert génétique recherché. Le résultat est le même ! Un gène n'est pas la propriété d'une espèce donnée, il ne peut à lui seul caractériser l'espèce. Par exemple, l'homme a 99 % de gènes communs avec le chimpanzé, mais aussi 40 % avec le cafard ou... la banane. Les variétés issues de transgénèse, dites OGM, sont soumises à des contrôles extrêmement poussés, parfois plus longs que la durée prévisible d'utilisation de la variété. Les méthodes dites « conventionnelles » ne sont pas soumises aux mêmes contrôles, alors qu'une PGM ne diffère en rien d'une variété conventionnelle pour son comportement général et l'interaction avec l'environnement. Au bout de vingt ans d'existence des PGM, il n'est pas possible d'authentifier un seul cas de préjudice envers l'homme ou la vie sauvage lié à leur culture. Curieusement, l'application de la transgénèse à la mise au point de produits pharmaceutiques ne suscite pas les mêmes réticences (vaccins, hormones, protéines du sang, etc.). Santé d'abord !
Le conférencier souligne les absurdités de l'étiquetage comme « pommes garanties sans OGM » alors qu'il n'existe pas de pomme GM). Il évacue les pseudo-risques attribués aux OGM :
• Risques alimentaires, éliminés par les contrôles alors que les variétés traditionnelles n'y sont pas soumises.
• Effets sur le long terme, alors que la durée d'utilisation des variétés modernes est très courte et que les produits de grande consommation sont issus de mélanges variétaux très variables.
• Risque allergénique : aucun cas recensé n'est imputable aux OGM. Toutes les protéines allergènes connues sont répertoriées et il est facile de s'assurer que les protéines ajoutées par la transgénèse ne présentent pas de caractères nocifs.
• Dissémination dans l'environnement de gènes du colza et du maïs. En fait, les caractères du colza GM n'ayant pas d'avantage sélectif évident, ils disparaissent rapidement en milieu naturel. Le maïs n'a pas de parent sauvage sous nos climats, où il ne peut se croiser qu'avec du maïs. Un espace de sept mètres suffit à éviter les fécondations entre champs. Les règlements de culture, en France, imposent 50 mètres.
• Réduction de la biodiversité, ni plus ni moins qu'une plante issue de sélection traditionnelle.
• Joug de l'agro-industrie et brevetage du vivant. Le commerce des semences, il y a trente ans, était déjà contrôlé par une dizaine de firmes. Les PGM n'y ont pas changé grand-chose, même si des opérateurs ont pu être remplacés par d'autres.
Gil Rivière-Wekstein ne développe aucune thèse pour, ou contre, les OGM. Il décrit, dans une approche journalistique et de manière très factuelle, l'organisation et les actions de ces militants qui ont fait des opérations commando leur modus operandi, saccageant des cultures en plein champ et même des expériences scientifiques conduites par la recherche agronomique. Pour ces écoterroristes, la lutte contre les OGM n'est qu'un volet du combat contre la société capitaliste et la mondialisation. « Dire non aux OGM en plein champ, c'est lutter contre la force du marché » peut-on lire dans leur charte. Leur motivation s'inspire d'un dogmatisme qui est tout autant anti-nucléaire, anti-autoroutes, anti-aéroports, anti-nanotechnologies, anti-vaccins et le reste à l'avenant, au nom de la démocratie et de la protection de l'environnement. Le Cirad en a fait les frais : pénétrant par effraction dans l'établissement, un commando – accompagné par une délégation de « paysans » indiens, histoire de donner à l'action une teinture tiers-mondiste – y détruisit un programme de transgénèse du riz conduit en milieu parfaitement confiné et contrôlé. L'auteur donne la parole à notre collègue Jean Masson, responsable du projet : « On travaille pour un établissement public et ces malades viennent tout détruire. Ils empêchent la connaissance d'avancer, c'est tout ce qu'ils font ». C'est un exemple parmi des dizaines d'autres. « Dans ces conditions, faut-il s'étonner que les principaux acteurs européens des biotechnologies aient quitté la France ? Du semencier français Limagrain au géant de la chimie BASF, en passant par le Suisse Syngenta ou encore Bayer, tous ont dû délocaliser leurs recherches à l'étranger ». Face à l'épouvantail des « grandes multinationales » qui ne seraient motivées que par l'appât du gain, la classe politique comme la justice, appuyées par une partie des media, brandissent le principe de précaution et se parent du titre de protecteur de la nature et de l'intérêt général, alors qu'aucune étude n'a jamais mis en avant le moindre problème sanitaire imputable à une plante génétiquement modifiée autorisée à la culture. Pour les intégristes verts, la diabolisation des OGM est devenue un fonds de commerce idéologique et politique.
Robert Schilling
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