Présentation d’ouvrage par Bernard Mallet

 

torquebiau couverture livreLe livre de l’agroforesterie

Comment les arbres peuvent sauver l’agriculture

 

Emmanuel Torquebiau

Editions Actes Sud

Collection Beaux Livres

juin 2022, 304 p.

 

L’agroforesterie, ensemble de pratiques paysannes pluricentenaires, est devenue au cours de la dernière décennie une thématique d’intérêt majeur pour la recherche, en lien avec les controverses autour de l’agriculture « conventionnelle » dans un contexte de transitions écologiques et énergétiques.

L’ouvrage d’Emmanuel Torquebiau présente, avec une iconographie de qualité et une large bibliographie, la très grande diversité des stratégies et des pratiques agroforestières de par le monde, combinant de façons multiples arbres et arbustes, cultures annuelles ou pérennes, animaux, dans l’espace et dans le temps. L’ouvrage fait ainsi ressortir la maitrise de la gestion des ressources naturelles disponibles, la capacité d’adaptation, l’imagination du monde paysan, monde souvent agroforestier bien avant que le concept ne fut établi.

De nombreux livres relatifs à l’agroforesterie ont été publiés ces dernières années, mais l’originalité de cet ouvrage est qu’il est aussi une immersion au sein du monde de la recherche en agroforesterie durant les cinquante dernières années, monde dont l’auteur a fait partie, avec un intérêt particulier apporté aux acteurs majeurs qu’ont été et sont l’ICRAF, le Cirad, le Catie… L’ouvrage fait ressortir les discussions, les « disputations », les avancées au sein du monde de la recherche, situations également vécues au sein du Cirad, où l’agroforesterie est passée d’un programme spécifique des « forestiers » dans les années 1980-1990 à une thématique maintenant partagée et en « bien commun » entre départements du Cirad.

L’ouvrage, qui se veut militant au service de l’agroforesterie, fait également un point bien actualisé sur les bases scientifiques de l’agroforesterie – dans la diversité des pratiques concernées – et sur la diversité de systèmes agroforestiers de par le monde – voyage passionnant, illustré de nombreuses photographies.

Il fait également ressortir la complexité de faire passer le message agroforestier auprès des décideurs politiques et des acteurs du monde agricole, en insistant sur le fait que l’agroforesterie n’est pas un ensemble de pratiques « sympathiquement passéistes », mais aussi et surtout un potentiel, voire même un changement de paradigme, pour le futur du monde agricole, au même titre que l’agroécologie.  

L’ouvrage a été finalisé juste avant le dernier congrès mondial agroforestier, qui s’est tenu en juillet 2022 au Québec, et l’histoire de la recherche agroforestière – au niveau « agronomique », mais aussi voire surtout aux niveaux sociaux et économiques – et de l’appropriation de ses avancées se poursuit.

En complément à cet ouvrage qui devrait intéresser un large public, soulignons qu’il n’y a sans doute pas de solution simple, et encore moins unique (le bio, l’agroécologie, le conventionnel, l’agroforesterie, l’industriel, l’agriculture de conservation, l’agriculture de précision…) pour produire une alimentation – et des produits non alimentaires… – en quantité, en qualité, diversifiée, adaptée aux contraintes et demandes – la terre est passée de 2 à 8 milliards d’habitants en cent ans ! – et cela tout en optimisant les externalités environnementales, sociales, économiques. Que les arbres puissent contribuer notablement à des agricultures à la fois plus « qualitatives » et « quantitatives », c’est certain ; qu’ils puissent sauver l’agriculture, comme on dit à la télé, « ça se discute ».

C’est probablement vers une combinaison intelligente et harmonieuse de ces différentes modalités d’agricultures, chacune apportant ses avantages et ses inconvénients, et en donnant à l’agroforesterie toute la place qu’elle mériterait, que le monde devrait tendre.


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