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Je suis né le 12 septembre 1941 à Migennes, cité cheminote de l’Yonne construite à partir de 1849 sur la commune de Laroche comme premier relais pour les machines à vapeur du train Paris-Lyon-Méditerranée (PLM). Je suis né de parents agriculteurs (Jeanne et Robert) vivant dans le village mitoyen de Cheny, mais séparé de Migennes par la rivière l’Armançon. Ces deux communes étaient très sinistrées par les bombardements alliés de 1944. Cheny est le village natal d’un ancêtre du côté maternel, Georges Jacob célèbre ébéniste de Louis XV.
Premier garçon d’une fratrie de 4 enfants (2 sœurs aînées -1 frère cadet), j’ai traversé ma jeunesse dans un milieu rural besogneux où mon destin de devenir paysan était décidé par mes parents comme eux-mêmes et les générations qui les ont précédés. Mon père ayant toutefois après la guerre, manifesté une ouverture volontariste et optimiste au machinisme et aux innovations culturales, mes parents m’ont inscrit après le BEPC (après une tentative dans une école jésuite) à l’école régionale d’agriculture du Chesnoy proche de Montargis dans le Loiret. Dans cette école devenue lycée agricole, j’ai obtenu après 3 ans d’études le diplôme de l’école et le diplôme des études agricole du 2e degré (bac technique), mais eu surtout l’opportunité d’accéder dans ce lycée aux classes préparatoires aux grandes écoles nationales d’agriculture et par conséquent de convaincre mes parents que je pouvais envisager une autre formation et un autre parcours que le leur, sachant en plus que mon frère cadet (Rémy) avait déjà de l’appétence pour leur métier.
En 1960, j’ai réussi le concours d’entrée à l’école nationale supérieure d’horticulture (ENSH) installée à Versailles sur le domaine prestigieux de la Quintinie (le potager du roi près de la pièce d’eau des Suisses). Sorti en 1963 avec le diplôme d’ingénieur horticole (86e promotion), je suis parti 3 mois aux États-Unis parcourus d’est en ouest dans le cadre de l’US carnation society. Ce voyage à caractère professionnel m’a fait découvrir une filière horticole très spécialisée et des structures de recherches américaines très avancées dans les cultures florales et maraîchères à Beltsville (WDC), en Pennsylvanie et en Californie. A postériori de ma formation d’ingénieur, je peux dire que les cours d’agronomie tropicale de l’ENSH (André Angladette) ou d’arbo méditerranéenne (Jean Pasquier) ne m’ont pas beaucoup influencé pour la suite de mon parcours de vie professionnelle faite d’opportunités.
Fin 1963, j’ai été appelé à faire mon service militaire dans un régiment d’infanterie de marine (camp Galliéni de Fréjus). Après « les classes », j’ai postulé pour le service en coopération dans les pays africains récemment indépendants. Après une affectation à Fort Lamy (base phytosanitaire) qui a été annulée pour raison d’insécurité, j’ai été nommé conseiller agricole auprès du délégué provincial de l’agriculture de la province de Diégo-Suarez à Madagascar. Pendant 15 mois, j’ai organisé et animé l’introduction, la diffusion et la vulgarisation d’espèces fruitières tropicales et la formation de vulgarisateurs aux cultures maraîchères. Tout le matériel végétal que j’ai introduit sur les sites d’Ambahivahibé, Joffreville et Nossi-Bé provenait des pépinières de Nanisana (Tananarive) et Ivoloina (Tamatave) avec transport par train et par le paquebot « Ferdinand de Lesseps ». C’est lors de mon séjour malgache que j’ai fait un stage d’initiation à la recherche agronomique tropicale à l’institut des fruits et agrumes coloniaux (Ifac) sur les stations de l’Ivoloina (Tamatave) station dédiée aux recherches sur bananiers et autres fruitiers tropicaux dirigée par Jacques Robin et de Bétangérika (Majunga) station dédiée aux recherches sur l’anacardier et le manguier dirigée par André Lefevre. J’ai par ailleurs croisé à cette époque sur le terrain (Ambanja) Michel Falais spécialiste du riz à l’Irat et R Crivelli (Ambilobé) spécialiste du cocotier à l’IRHO. En 1965 à l’issue de mon service en coopération, deux offres d’emploi m’ont été faites : un contrat civil avec le ministère français de la Coopération pour rester comme conseiller au ministère malgache de l’Agriculture, mais aussi un contrat proposé par les grands moulins de Paris pour un poste de directeur d’un périmètre sucrier à la société du Mahavavy (province de Diégo-Suarez). Après hésitation, j’ai préféré prendre un risque en présentant ma candidature à un poste de chercheur à l’Ifac.
Après un entretien au siège de l’institut (rue du général Clergerie à Paris 16e) dirigé par Richard Guillerme, il m’a été proposé un poste d’agronome chercheur sur fruitiers tropicaux positionné sur la station de l’Ivoloina à Madagascar, poste que j’ai accepté avec enthousiasme étant déjà familier de ce site. Ma satisfaction a été de courte durée, car 15 jours avant de partir, l’institut a rompu le contrat pour me proposer la même fonction sur la station de Nyombé au Cameroun, ce que j’ai accepté sans avoir la moindre information sur la cause de cette rupture ni sur le nouvel environnement qui m’attendait au Cameroun. Mes deux sœurs (Genevieve et Denise) ont eu plus de chance ; séduites par mon séjour malgache, elles sont parties en coopération (santé et enseignement) dans la grande île tandis que je regagnais le Cameroun.
En avril 1965, j’ai découvert sur place une des principales raisons de ce changement à savoir l’insécurité qui régnait dans l’ouest du Cameroun (opposition terroriste au président Ahidjo dont avaient connaissance les agents de l’Ifac basés en Afrique équatoriale, mais pas les nouveaux recrutés). Pour preuve en arrivant sur le site d’affectation dont les cases étaient protégées par du métal déployé, on m’a donné mes premiers outils : une carabine US, un revolver 6-35 et 2 grenades défensives !!!, et ce dans une ambiance de couvre-feu de 19 h à 6 h du matin et la présence permanente d’une section d’infanterie de l’armée camerounaise. Ces outils peu communs ont été restitués au sous-préfet de Loum à la fin de mon séjour camerounais.
De 1965 à 1974, j’ai exercé la fonction d’agronome chercheur sur les fruitiers tropicaux autres que les bananiers principalement sur la station de Nyombé située dans le département du Mungo à 70 km au nord de Douala, mais aussi sur la station d’Ekona de la Commonwealth développement corporation (CDC) au Cameroun occidental anglophone, et en altitude à Foumbot sur des terrains de la COC et à Ngaoundéré sur la station de Wakwa gérée par l’IEMVT. C’est là que j’ai rencontré pour la première fois Philippe Lhoste. Sur la station d’Ekona (périmètre de Lysoka) j’ai mis en place en 1965 avec l’appui de John Robertson (area manager) la majorité des essais (10 ha) consacrés aux bananiers (agronomie et entomologie) repris l’année suivante par Michel Beugnon en partenariat avec Peter Shearing responsable scientifique de la CDC.
Sur la station de Nyombé dirigée par Pierre Jeanteur puis par Jacques Lecocq, nous étions trois agronomes permanents dont Philippe Melin et Jean Marseault puis un technologue camerounais Michel Foyet assistés parfois de VAT ou stagiaires de l’Istom et d’autres écoles supérieures d’agronomie dont certains ont été recrutés par l’institut (Haury, Baraer, Lachenaud, Chauvin …) et bien sûr d’observateurs, d’agents de maîtrise (dont certains très brillants) et d’ouvriers agricoles nationaux.
Mes travaux de recherche ont porté principalement sur l’ananas, les agrumes, l’avocatier, le papayer, le manguier, la passiflore, le safoutier. Pour les deux premières espèces, j’agissais sous les directives des chefs de programme Claude Py et Jacques Cassin. Pour les autres, j’avais la totale initiative sur le choix des thématiques appuyé toutefois pour la conception des protocoles expérimentaux par les spécialistes disciplinaires : Anselme Vilardebo entomologie, Jacques Brun phytopathologie, Lucien Haendler technologie, Pierre Martin Prevel physiologie, Jacques Godefroy pédologie et in fine Pierre Lossois biométrie et phénologie.
Au Cameroun mes principaux essais expérimentaux ont porté : 1) sur le cycle et la floraison induite de l’ananas, sur la nutrition azotée et potassique de l’ananas, sur la lutte chimique contre les adventices notamment Cyperus rotundus ; 2) sur la sélection des variétés et porte-greffe des agrumes en fonction du climat (lié à l’altitude), des aptitudes physiques des sols et de la pression parasitaire (tristeza, cercosporiose, exocortis) ; 3) sur la sélection variétale de l’avocatier, sur la lutte contre la cercosporiose, sur la production d’huile d’avocat. 4) sur l’introduction du papayer Solo et l’optimisation du système de culture intensive, sur l’équilibre de la nutrition azote-soufre-potasse ; 5) sur les techniques de conduite palissée de Passiflora edulis flavicarpa ; 6) sur la sélection variétale du manguier en fonction du climat. 7) sur la sélection massale du safoutier (Pachylobus edulis aux fruits très riches en huile).
Si la grande majorité de mes travaux de recherche, les collections, la pépinière se situaient à Nyombé, une partie non négligeable (arboriculture) se déroulait en réseau multi local dans des écosystèmes très différenciés allant du climat équatorial de plaine à celui d’altitude à 2 saisons (Nyombé, Ekona Dschang, Foumbot) à ceux d’altitude à 4 saisons Nkolbisson, d’altitude sahélienne à 2 saisons (Wakwa) et de plaine sahélo-soudanaise (Garoua-Maroua). À Dschang j’ai eu l’appui de Lucien Séguy Jean Yves Praquin et Serge Vallet.
À mes travaux de recherche se sont ajoutés des activités de conseil et de formation auprès de stagiaires africains, mais surtout auprès des planteurs du Mungo et d’autres régions du Cameroun et enfin des activités d’expertise sur tout le territoire camerounais et en République centrafricaine.
Ces différentes activités ont fait l’objet d’une vingtaine de publications dans la revue « FRUITS » et plus d’une centaine de rapports d’expérimentations et de fiches de vulgarisation.
Pendant la moitié de mon séjour au Cameroun, ma vie privée s’est déroulée dans un environnement rustique et contraint pour une jeune épouse (case isolée sans électricité [éclairage à la pétromax, frigidaire à pétrole cuisinière à bois, fenêtres barricadées, moustiques, serpents et couvre-feu], mais avec un dévouement sans limites de notre « majordome » Valentin Tatang, de notre gardien de nuit et du jardinier.
De 1974 à 1977, j’ai quitté le Cameroun [remplacé à Nyombé par Alain Haury] pour rejoindre le siège de l’institut à Paris en qualité d’adjoint à Pierre Lossois chef du service de biométrie. Afin de maîtriser les méthodes et outils d’analyse statistique et notamment la programmation en langage informatique [Fortran IV] et les analyses multidimensionnelles, je me suis inscrit pendant deux ans aux cycles de formation diplômante de l’institut de statistique des universités de Paris [L’Isup localisé à Jussieu Paris VI].
Durant cette période, j’ai acquis de nouvelles compétences et mieux assimilé les nécessités et exigences de la rigueur expérimentale parfois distantes de celles du terrain. Cet acquis ajouté à celui de mon séjour africain et malgache a pu être valorisé en saisissant fin 1976 une offre de nouvelle responsabilité proposée par Jean Cuillé directeur général de l’Irfa [l’institut ayant changé de dénomination] à savoir chef du programme fruitiers tropicaux et diversification en remplacement de Jean Claude Praloran [éphémère dans ce poste] appelé à diriger une importante équipe d’agronomes sur un vaste projet de relance de l’arboriculture fruitière en Algérie. Au service de biométrie composé de 5 agents, j’ai été remplacé par Xavier Perrier.
De 1977 à 1991, j’ai exercé à partir du centre Lavalette du Gerdat puis du Cirad de Montpellier et sous l’autorité de Jean Cuillé puis de Jean Marie Charpentier la fonction de chef de programme aux côtés d’autres chefs de programme Claude Py [ananas], Jean Champion puis Jacky Ganry [bananiers et plantains] et Jacques Cassin [agrumes] basé à San Giuliano en Corse). S’est ajoutée à cette fonction à partir de 1981, celle de représentant de la direction de mon institut et responsable de la gestion administrative rapprochée de l’équipe de l’Irfa à Montpellier avec l’appui de Simone Parcerisa puis simultanément de 1985 à 1990 celle d’administrateur élu au premier conseil d’administration du Cirad présidé par Jacque Poly.
L’exercice de la fonction de chef de programme a été pour moi exaltant grâce à la qualité des relations professionnelles construites avec les chercheurs (27) les techniciens et ouvriers (plus d’une centaine), les partenaires de la recherche et du développement des pays du Sud, les organisations professionnelles de la filière, les bailleurs de fonds, les partenaires scientifiques et d’enseignement du Nord (Inra, Ird, universités de Montpellier, Paris VI et Lyon III), l’ISHS, les universités des Canaries et de Gembloux, l’Esat, l’Ensam.
L’équipe de recherche dont j’avais la responsabilité était très dispersée en Afrique (Côte d’Ivoire, Cameroun, Sénégal, Mauritanie, Niger, Burkina Faso, Gabon), dans les 4 DOM et la Nouvelle-Calédonie, en Colombie, à l’île Maurice et sur la fin de ma fonction au Mozambique, au Vietnam et en Polynésie. En Côte d’Ivoire, j’ai eu le plaisir d’accueillir dans mon programme sur la station d’Azaguié la première ingénieure horticole ivoirienne Jeanne d’Arc Obendou.
Dans cette fonction importante dans l’organisation et le fonctionnement de l’institut puis à partir de janvier 1985 du département Irfa puis Flhor du Cirad, mon temps était partagé entre l’animation scientifique, la coordination de la programmation, la valorisation, la gestion des ressources humaines et financières notamment la mobilisation de ressources propres, les relations avec les partenaires, les missions d’expertises, l’enseignement.
Les espèces fruitières dédiées à mon programme étaient les mêmes (à l’exclusion de l’ananas et partiellement des agrumes) que celles travaillées au Cameroun avec toutefois 3 ajouts : le palmier dattier, l’anacardier et les fruitiers tempérés en zone tropicale d’altitude (pécher, pommier, prunier, fraisier, vigne)
Parmi les activités d’expertise qui m’ont le plus marqué par leur originalité ou leurs conséquences je peux citer sans ordre chronologique :
Le plan décennal de développement des productions fruitières à la Réunion et 2 plans quinquennaux de recherche d’accompagnement. (Conseil régional)
La conception d’un centre de recherche sur l’anacardier sur l’île d’Hainan en Chine. (CEE)
Le plan de développement des productions fruitières en Casamance au Sénégal. (BM)
Le projet de recherche et de développement de la culture de l’anacardier au Burkina Faso. (Caisse centrale)
L’analyse de la recherche fruitière à Cuba et en Équateur (MAE).
L’expertise de la culture de l’anacardier dans un vaste complexe agricole de la PT Multi agro corporation à Sumatra (Indonésie)
L’organisation de la recherche sur les productions fruitières au Burundi (COLEACP-CEE), en Nelle Calédonie, en Polynésie, au Vanuatu.
La programmation régionale des recherches sur le manguier en Afrique de l’Ouest à partir de la station de Korhogo en Côte d’Ivoire.
Parmi les nouveaux partenaires scientifiques du programme, j’ai mobilisé : le professeur Jean Hugard spécialiste du pécher à l’Inra/Ensam, Philippe Roudeillac obtenteur de variétés de fraisiers au Ciref, Victor Galan Sauco responsable des recherches fruitières tropicales aux Canaries ; le professeur Francis Hallé de l’université de Montpellier, le professeur Paul Champagnat de l’université de Clermont-Ferrand, le professeur Adolphe Lecrenier de l’université de Gembloux, le professeur Gérard Mottet de l’université de Lyon 3, Patrice Desmarets directeur des recherches du groupe Pernod Ricard.
Pendant mon parcours de chef de programme, j’ai été membre fondateur avec le professeur Franck Dennis de l’université du Michigan du groupe de recherche sur les fruitiers tempérés en zone tropicale au sein de l’international society of horticultural science (ISHS), j’ai écrit deux ouvrages sur l’avocatier (éd Maisonneuve et Larose) et les chapitres fruits tropicaux de l’encyclopédie du “bon jardinier” chez Flammarion. J’ai été membre du conseil scientifique de la SRA de Corse, enseignant à l’institut de botanique de l’université de Montpellier, à l’université de Lyon 3, à l’Esat, à la chambre de commerce des Pyrénées orientales et du Vaucluse. Enfin, j’ai initié et accueilli dans le programme une dizaine de thèses sous la direction des professeurs Francis Hallé et Paul Champagnat.
De 1994 à 2002, j’ai exercé la fonction de directeur du département « Flhor » du Cirad nommé par Michel de Nucé de la Mothe (DG du Cirad) et reconduit par son successeur Bernard Bachelier.
Changement d’échelle et de responsabilité, je dirige un collectif de 300 agents dont 100 chercheurs affectés dans 3 programmes “bananiers-plantains-ananas” (Hugues Tézenas du Montcel), “arboriculture fruitière” (Thierry Goguey), » cultures légumières » (Hubert de Bon/Rémy Kahane). Cet ensemble étant réparti principalement outremer ; en Afrique, en Amérique latine, en Asie, dans les 5 DOM, les 2 TOM, mais aussi à Montpellier, Paris et San Giuliano. Budget annuel entre 28 et 32 millions d’euros dont 50 % de ressources propres. Diriger et gérer un dispositif aussi complexe n’a été possible que grâce à l’équipe solide qui m’a accompagné ; les chefs de programme, mais surtout le directeur scientifique du département Jacky Ganry dont l’intuition et l’intelligence scientifique ont permis au Flhor de se positionner au meilleur niveau dans la communauté scientifique nationale et internationale, auprès des bailleurs de fonds et auprès d’organisations professionnelles. Ce jugement a été validé par les 2 revues externes du département pendant les 8 années où j’ai exercé mon mandat.
Dans cette fonction, j’ai pu mesurer l’importance de la gestion des ressources humaines sur la base de la considération, la perspective de carrière et la construction d’une culture d’entreprise. Dans un esprit de complicité constructive j’ai apprécié l’appui sans faille de Philippe Melin (Martinique), Jean Jacques Baraër (Guadeloupe - Guyane - Polynésie), Yves Bertin, Bernard Moreau (Réunion), Daniel Ducelier, Jean Yves Rey, Alain Sizaret au Cameroun, Michel Jahiel au Niger, de mes DAF (Christian Altairac/Pierre Jean Ballard) du responsable de la technologie Max Reynès, des chargés de la valorisation Christian Picasso et Jean Paul Meyer, au quotidien de mon efficace et très discrète assistante Elizabeth Vialle sans oublier la majorité des chercheurs et techniciens d’outre-mer et de métropole encadrés par les chefs de programme et responsables d’unités de recherche. Si je suis reconnaissant à tous les agents du département qui ont (dans une culture d’entreprise partagée) conclu de nouveaux partenariats, produit des innovations scientifiques, publié, construit et animé des projets de développement, je tiens à souligner l’aventure asiatique de Bernard Aubert qui en animant à partir de la Chine un réseau de recherche sur le « greening » couvrant tous les pays de l’Asean a largement contribué à la notoriété du département et du Cirad dans cette partie du monde. Enfin, je garde un excellent souvenir de mes bonnes relations avec nos partenaires africains : Joseph Ngalani, Jean Kuaté, Jean Nyagatchou et Michel Foyet...
Dans la rubrique des success stories du département pendant mon mandat, il me plaît de citer quelques exemples comme la création par Chantal Loison d’une variété d’ananas (FLHOR AN 41) protégée en Europe et aux USA ; la signature d’une convention de partenariat avec le plus grand groupe français producteur et exportateur de bananes (la compagnie fruitière) ; avec l’Inra le renforcement du partenariat avec le professeur Joseph Bové, mais surtout l’accueil de deux chercheurs de l’Inra à la Réunion notamment de Jacques Luisetti, bactériologiste et un autre chercheur au service de technologie, avec l’action déterminante de Philippe Melin, la cession du domaine et du personnel de Rivière Lézarde en Martinique, le financement du pôle de recherche agronomique martiniquais (Le Pram construit sous la supervision de J.J. Baraër), la substitution de la taxe parafiscale par une taxe volontaire payée par les producteurs antillais de bananes pour continuer à financer localement nos recherches. Avec Jean Bourdeaut, JJ Baraër, JP Meyer, C Louis, Jp Lyannaz, la réussite de l’ambitieux projet fruitier du Burkina-Faso. Avec Alain Sizaret, la remarquable démonstration d’un verger de référence agrumes à Kismatari près de Garoua, en zone sahélienne, qui nous a valu la visite de René Dumont candidat écologiste à l’élection présidentielle française. Dans le domaine des publications, le Flhor peut s’honorer d’avoir soutenu la montée en notoriété (rang A) dans la communauté scientifique de la revue Fruits grâce au professionnalisme de Chantal Loison et celle de Fruitrop dans le monde économique grâce à une équipe éditoriale dynamique animée par Denis Loeillet. Enfin notre partenariat nouveau avec l’asian vegetable research development center (l’AVRDC basée à Taiwan) a été très positive pour le programme cultures maraîchères. Dans la rubrique des rares échecs je peux citer notre absence regrettable du Brésil, l’abandon d’un verger d’agrumes de démonstration au Sénégal (présence excessive de fer dans l’eau d’irrigation) et dans celle des événements pénibles vécus je prends la liberté de ne pas les citer dans cette autobiographie sachant que d’autres collègues témoins pourraient le cas échéant les mentionner.
Membre du comité de direction du Cirad (Codir), je me suis attaché à défendre la singularité et l’image de mon département par sa capacité à mobiliser des ressources financières conséquentes, démarche fructueuse dès lors que sur la base de nos résultats et innovations scientifiques, nous étions en capacité de les partager avec nos partenaires et surtout de les valoriser auprès des différents acteurs des filières horticoles et de s’attirer ainsi les faveurs des bailleurs de fonds publics et privés.
De 2002 à 2005, je pensais pouvoir terminer ma carrière à la direction du Flhor, mais après avoir trouvé mon successeur (Hubert de Bon), j’ai accepté une nouvelle fonction proposée et créée par le nouveau directeur général du Cirad, Benoit Lesaffre, à savoir directeur de l’innovation et de la communication (Dic) de l’établissement.
Cette fonction inédite et sans précédent à la direction générale du Cirad rassemblait sous ma direction une population importante de compétences et de métiers très hétérogènes, le service informatique, le service de documentation (ex Dist dirigée par J.F. Giovannetti), le service de la communication et le collectif des métiers de la valorisation.
À l’évidence, je n’avais pas de compétences particulières dans ces domaines, mais une affinité pour la communication et davantage pour la valorisation. Ma valeur ajoutée qu’appréciait le nouveau DG était ma bonne connaissance de l’établissement, des tutelles ministérielles, des principaux partenaires du Cirad et des autres directeurs de département ainsi que mon ouverture prudente vers une réforme de l’organisation des équipes de recherches (les programmes) en unités de recherches disciplinaires UR ou et UMR dès lors que la notion de filière ne soit pas trop sacrifiée. Je n’ai pu exercer cette fonction que par délégation de compétence et responsabilité par grands champs d’activités notamment le service informatique placé sous l’autorité de Joël Sor. Mon attirance pour la « valo » et les mesures d’impact m’a conduit avec l’appui de Roland Cottin, Véronique Vissac, Esther Saadoun à faire adopter par le CA du Cirad présidé par Jeanne Marie Parly une charte de la valorisation.
À la veille de ma décision de faire valoir mes droits à la retraite en avril 2005, j’ai participé avec le Codir à la grande réforme du Cirad qui a conduit à la disparition des programmes remplacés par des unités de recherche regroupées en 3 nouveaux départements. J’ai été remplacé par Alain Weil.
Mes deux dernières fonctions m’ont permis de rencontrer et discuter avec des personnalités politiques ou de la haute administration telles que Henri Konan Bédié président de la Côte d’Ivoire Claudie Haigneré ministre de la Recherche, Michel Giraud ministre du travail, Alain Devaquet, Laurent Fabius, Dominique Voynet, Bernard Bigot, Martin Hirsch, Michel Colin de Verdiere ; de participer à l’Élysée aux réunions de travail ayant conduit à la création de la fondation » Farm » chère au président Chirac ; de négocier à Bercy le report temporaire de l’abandon de la taxe parafiscale sur les exportations de bananes aux Antilles, de répondre au sénat à une commission de sénateurs. Pour résumer en quelques mots ma carrière, je peux dire que mes deux premières fonctions (chercheur, chef de programme) étaient principalement consacrées à la recherche appliquée en accompagnement des filières fruitières à savoir apporter des réponses aux demandes des agriculteurs et du développement. Mes deux dernières fonctions (directeur du Flhor et directeur de la Dic) étaient principalement la gestion d’un collectif consacré à des recherches d’anticipation en partenariat sur des problématiques débordant les filières (systèmes alimentaires, nutrition santé, alternative aux pesticides, maladies et ravageurs émergents avec le changement climatique, biodiversité, biologie moléculaire, modélisation, sciences sociales, mesures d’impact et communication, appel à la recherche fondamentale [Inra- IRD-CNRS -Universités]…)
J’ai quitté le Cirad en avril 2005 et pour ne pas rompre avec cet univers, j’ai participé les années suivantes à plusieurs commissions d’évaluation individuelle des agents du Cirad et adhéré à l’amicale des anciens du Cirad (Adac) pour en devenir le 2e président (avec l’appui sans faille de Christiane Mellet-Mandard secrétaire générale) succédant ainsi à Jean Claude Keslacy et passant après 8 ans de présidence le relais à Jacques Chantereau.
Au cours de mon parcours professionnel ; j’ai été : administrateur élu du CA du Cirad sur la liste du syndicat SNAgrex/CGC dont j’ai été plus tard secrétaire général pour une courte durée ; administrateur du CA du CRBP/Carbap sous la présidence du Dr Ayuk Takem au Cameroun ; administrateur de Vitropic filiale du Cirad dirigée par Yvan Mathieu ; enseignant et conférencier à l’académie des sciences d’outre-mer et membre de jurys de thèses. Pour terminer ce parcours, je tiens à remercier Michel de Nucé de la Mothe (DG du Cirad) et Gérard Matheron, président du centre Cirad de Montpellier, pour leur bienveillance et leur appui dans l'exercice de ma fonction de directeur du département Flhor.
Dans ma vie privée, j’ai été président de l’amicale des parents d’élèves des écoles de Teyran (Héraut), j’ai eu 3 enfants (Arnaud, Aurélie, Matthieu) dont la maman Claudine est décédée quand j’étais directeur du Flhor. Je suis en retraite à Montpellier accompagné de mon épouse Danielle. Dans ma résidence, je suis membre du conseil syndical en charge des espaces verts. Par ailleurs je m’intéresse par la lecture à la géo politique et à l’économie et pour rester en forme, je pratique régulièrement la marche, le cyclisme et suis l’évolution du Cirad au travers de mon mandat d’administrateur de l’Adac. Avec mon épouse, nous entretenons une proximité affective avec nos enfants et 6 petits enfants.
J’ai l’honneur d’avoir été décoré Chevalier du mérite agricole (1994), chevalier de l’ordre national du mérite (1995), officier de l’ordre national du mérite (2004).
PS Pour ceux qui m’ont bien connu ; je peux citer ici pour ne pas les oublier quelques échecs et situations pénibles ou rocambolesques vécues personnellement lors de ma carrière.
Échecs :
1) ma nomination manquée au poste de directeur du département « fruitier » du Cirad. Début 1990 à l’approche de son départ en retraite, Jean Marie Charpentier directeur de l’Irfa propose en ma présence à Hervé Bichat DG du Cirad que je sois son successeur. Le DG accepte sans réserve, mais avant de pouvoir concrétiser sa décision, il est nommé DG de l’Inra et remplacé par Henri Carsalade (récent directeur scientifique du Cirad). Henri Carsalade ne s’est pas senti obligé d’honorer la promesse de Bichat et a nommé début 1992 Jean Louis Rastoin (professeur d’économie rurale à l’Ensam) à la direction du département.JL Rastoin au demeurant agréable était resté dans l’esprit et dans l’action plus professeur que manager au point qu’en moins de 2 ans, il a fait plonger les finances du département avec pour conséquence qu’en 1994 il a été remercié par le nouveau DG (Michel de Nucé de la Motte) lequel après (une remise en ordre budgétaire par Antoine Bourgeois) m’a nommé fin 1994 Directeur du « Flhor ».
2) le budget du département. En régime de croisière, le Flhor mobilisait 50 % de ressources propres, mais en masse il avait la capacité de mobiliser davantage de financements notamment du Feder ou de l’Odeadom au travers des régions ultra périphériques dès lors qu’on peut afficher une même somme en contrepartie. Bernard Bachelier DG du Cirad ne m’a jamais suivi dans cette démarche proactive ce qui a généré chez moi et mes collègues une grande frustration.
3) la légion d’honneur. En 2004, mon dossier pour l’obtention du grade de chevalier était bouclé avec la quasi-certitude d’être promu ; pour preuve, j’ai reçu une lettre de félicitations de Gérard Larcher déjà président du Sénat. C’est probablement le DG du Cirad (lequel n’avait à ce moment aucune décoration) qui est intervenu pour en dernière minute faire glisser mon dossier à l’ordre national du mérite au grade d’officier. Cette parenthèse m’a laissé un goût d’amertume aujourd’hui oublié.
Situations pénibles :
1) en 1966, devant la poste de Nyombé (Cameroun) ; j’ai été témoin visuel de l’exposition d’une dizaine de têtes coupées par les militaires camerounais en lutte contre la guérilla. La même année, j’ai passé une nuit isolée sur une piste dans la forêt équatoriale au Cameroun anglophone, bloqué par une chute d’arbre.
2) les peurs en avion : à Orly en provenance de la Réunion, atterrissage dans la mousse suite à l’impossibilité du pilote à verrouiller le train avant du 747. En Guinée, sur la ligne Air guinée Kankan - Conakry, j’ai fait le voyage sur un Antonov version militaire (sans sièges pour les passagers) à la place du radio viré par le pilote russe totalement ivre de vodka (flacons sous le siège).
3) missions sous escorte des gendarmes mobiles en Nouvelle-Calédonie et en Guadeloupe à cause des rébellions d’indépendantistes violents.
4) la qualité du carburant. Lors d’une escale entre Dakar et Kaédi en Mauritanie ; on devait faire le plein à partir de fûts de 200 l roulés sur le tarmac terreux, mais en l’absence d’un piézomètre pour déceler la présence d’eau dans le carburant, le pilote a demandé à celui qui avait roulé les fûts de goûter le carburant ce qu’il a fait en déclarant que l’essence était potable pour l’avion.
5) en 2004, la gaffe diplomatique de Benoit Lesaffre à l’endroit de l’ambassadeur de France au Cameroun.
Tous autres événements insolites vécus et ils sont nombreux relèvent des anecdotes à raconter entre amis. Voici toutefois, pour ne pas les oublier quelques titres (la réserve de Waza et le pays Kirdi au Cameroun avec Anselme Vilardebo, mes missions épiques avec Jacques Godefroy au Sénégal et au Niger. L’aéroport de Libreville et celui d’Alger. Un prêt pour le mariage d’un chef d’équipe au Cameroun, un déjeuner avec mon chef pépiniériste à Dschang, un trajet en montagne en pays Bamiléké avec Daniel Ducelier. Prospection de passiflores en Guyane avec Olivia Delanoé. Check point à Ouagadougou. La plage à Hainan. L’expert anacarde en Indonésie, l’expert du Kolatier en Casamance. Les relations qui comptent pour obtenir un financement ou des faveurs [Côte d’Ivoire (Rolf Schmitt), Philippines (Yann Frémond). La séduction d’une inspectrice de l’Ursaf pour annuler un redressement fiscal [ardoise de mon prédécesseur au Flhor]. Une rencontre nocturne avec les hippopotames dans les rues de Bujumbura. La correction d’une thèse à Singapour. La visite d’un généticien américain de l’université d’Hawaï à Nyombé. Les ambiances de Far West au Cameroun, en Colombie [cafétéros] et aux Philippines [coconut united bank], etc., etc. et quelques rencontres plus confidentielles… mais utiles [Laurent de Meillac, Olga Bernabé, Jacque Choulot, Daniel Nahon, Patrice Debré etc…]
En guise de conclusion - bilan
A la différence de mes collègues chercheurs spécialistes d’une thématique scientifique dont les carrières sont homogènes et linéaires avec pour témoignages leurs publications, la mienne fut très variée à l’image de celle d’un médecin généraliste itinérant devenu gestionnaire d’une PME. Je propose de la conclure sous forme d’un court bilan interrogatif auto centré.
Suis-je satisfait de ma carrière ? Malgré quelques échecs et déceptions, je peux répondre « globalement oui » mais il est difficile dans ce oui de quantifier la part de mes efforts, de mes engagements, de mes renoncements de celle des opportunités saisies, du hasard des circonstances, des relations construites, de l’appréciation de la hiérarchie et des partenaires.
Ais-je produit des résultats mesurables et utiles à la connaissance scientifique et des innovations appropriées par les populations rurales du sud ? Il serait prétentieux de répondre sur le registre de la science mais je peux revendiquer d’avoir contribué avec mes collègues et partenaires à améliorer la qualité de vie de nombreuses populations rurales principalement africaines. Améliorations constatées par la diffusion massive d’un matériel végétal fruitier sélectionné et adapté aux écosystèmes, par l’application de techniques culturales à la portée des paysans (nes) par l’utilisation de techniques de conservation et transformation rustiques. Ces progrès significatifs notamment en zone sahélienne ont permis d’augmenter le revenu des agriculteurs mais aussi et surtout l’accès au plus grand nombre à la consommation de fruits et légumes avec des conséquences positives sur les systèmes alimentaires notamment le volet nutrition et santé.
Quelles suites 19 ans après ma cessation d’activités ?
En termes de développement : des fruits et légumes presque partout sur les marchés villageois et urbains africains et malgaches mais parfois des interrogations sur les pratiques phytosanitaires en horticulture périurbaine intensive et des inquiétudes sur la disponibilité et la gestion de l’eau au sahel. Des filières d’exportation à la peine (excepté le litchi malgache et les bananes dessert d’Afrique de l’Ouest) ananas, mangue, avocat, papaye, passiflore…concurrencées sévèrement par l’Amérique latine.
En termes de recherche : En Afrique, on ne peut que regretter la déshérence de la plupart des dispositifs de recherche de terrain sur lesquels mon programme était engagé dont les causes peuvent être la disparition des financements extérieurs non remplacés par des ressources nationales ; la faible motivation des chercheurs nationaux à faire du « terrain », l’évolution des thèmes et des priorités de recherche qui s’éloignent des filières et des systèmes pour appréhender des thèmes plus transversaux souvent éloignés des préoccupations quotidiennes des paysans. Ce constat qui risque de faire perdre des acquis laisse un sentiment de gâchis peut être exagéré vu de Montpellier.
Pour terminer sur une note plus optimiste, je me réjouis que quelques et rares jeunes chercheurs africains que j’ai côtoyés sont encore passionnés par l’exercice de leur métier dans des conditions précaires au service des populations rurales de leur pays.
Enfin les relations et contacts fraternels que j’ai encore avec de nombreux collègues sans oublier les disparus prématurément me rappellent que la culture singulière de mon département à laquelle j’ai contribué, reste fortement imprimée dans les mémoires et comportements.
Le Cirad m’a permis de vivre une exceptionnelle aventure individuelle et collective qui vous grandit avec fierté mais qui vous rend humble face aux défis du développement de nombreux pays du Sud.
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