Une délégation de Ciradiens (Michel Eddi et Pierre-Marie Bosc) et d'anciens Ciradiens (Marie-Rose Mercoiret, René Billaz, Paul Kleene, Michel Benoit-Cattin) a fait le voyage à Dakar pour participer au colloque « L’avenir des exploitations agricoles familiales d’Afrique de l’Ouest dans une économie mondialisée » en hommage au Dr Jacques Faye, 27-29 novembre 2018, Dakar. 

  logocolloqueJacques Faye

Michel Benoit-Cattin et Paul Kleene rendent compte de cette participation, ci-dessous.

Jean Pichot, Etienne LandaisPaul Kleene et Michel Benoit-Cattin ont rédigé des hommages personnels à Jacques Faye leur collègue.

Un album photo est également présenté ici.

 

Compte rendu de Michel Benoit-Cattin

Ce colloque était organisé par l’Ipar pour son dixième anniversaire en partenariat avec l’Isra, le Cirad et le CNCR.

L’Ipar  (Initiative Prospective Agricole et Rurale) est un « think tank » imaginé par Jacques Faye et effectivement institutionnalisé deux ans avant son décès. Il se veut « un espace de réflexion, de dialogue et de proposition pour des politiques agricoles et rurales concertées au Sénégal et dans la région ouest-africaine. »[1]

La veille du colloque nous avons été reçus au siège de l’Ipar, Kër Jacques Faye, par son directeur exécutif le Dr Cheikh Oumar Ba avec à ses côtés le Dr Ibrahima Hathie directeur des recherches et ancien membre du dernier comité scientifique de la mission SHS du Cirad. Ils nous ont fait visiter les locaux et présenté les membres de l’équipe présents.[2]

Le CNCR « Conseil National de Concertation et de coopération des Ruraux » a été créé en 1993. Il regroupe de nombreuses organisations de producteurs sénégalais. Il a été l’interlocuteur de l’État et des bailleurs de fonds, en particulier la Banque Mondiale pour l’élaboration de la loi d’orientation agricole et divers programmes d’appui. Les organisations de producteurs se sont multipliées après le désengagement de l’État des actions de développement agricole dans les années 80, lors de l’ajustement structurel.[3] Son Président d’honneur Mamadou Cissokho interviendra à plusieurs occasions avec la pertinence et la conviction teintées d’humour si sympathiques qui le caractérisent.[4]

Le Cirad s’est trouvé ici engagé à côté de ces partenaires inhabituels. Sa participation officielle au colloque a été rendue plus particulièrement visible par la présence pendant deux jours de son PDG Michel Eddi (Photo 5 album). Celui-ci est intervenu lors de la session d’hommage à Jacques Faye avec l’aisance et la pertinence qu’on lui connaît. Avant lui, deux anciens du Cirad, Paul Kleene et Michel Benoit-Cattin, avaient dû abréger leurs témoignages à cause du retard pris.  Ils ont eu à cœur d’en délivrer des versions écrites plus complètes.

Pierre Marie Bosc, chercheur actuellement en poste à la FAO à Rome a introduit la première session thématique sur les évolutions des exploitations agricoles face aux contraintes et opportunités de l’environnement nationale et international.

D’autres anciens du Cirad se sont exprimés au fil des sessions :

À propos de décentralisation et de territorialisation (deuxième thème du colloque) René Billaz premier directeur scientifique du Cirad, également présent, a présenté une contribution qu’il avait préparée avec Jacques Lefort sur « Agriculture familiale et territoires ruraux en Afrique de l’Ouest : un potentiel de développement local, durable et identitaire ».

Le deuxième jour, Marie-Rose Mercoiret a introduit la session de l’après-midi sur le dialogue multi-acteurs dans l’élaboration des politiques publiques par une présentation illustrée par des dessins originaux de son mari Jacques (Photo 7 album).  Marie Rose était antérieurement membre du comité qui a élaboré le contenu du colloque.

Dans la dernière session sur la recherche agricole et agroalimentaire au service d’un développement agricole et rural durable, Michel Benoit-Cattin reviendra sur le podium pour une table ronde sur le pilotage de la recherche agronomique. Il se réfèrera en particulier à ses dernières missions pour le Cirad en Haiti.[5]

L’Isra : À la tribune on verra apparaître plusieurs de nos collègues, anciens du département systèmes de l’Isra, fidèles à la mémoire de Jacques Faye leur directeur : Alioune Fall, actuel DG de l’Isra ; Dr Papa Abdoulaye Seck, Ministre de l’agriculture et de l’équipement rural et ancien DG de l’Isra ; Dr Léopold Sarr qui succéda à Jacques Faye à la tête du département systèmes avant de rejoindre la Banque Mondiale et le FIDA ; Y sont apparus également deux de nos anciens thésards à Montpellier : le Dr Pape Nouhine Dieye (US AID) et Dr Souadou Sakho Djimbira (FIDA). Une ancienne chercheuse de Bambey, Mme Aminata Badiane est la présidente du Conseil d’administration de l’Ipar.

Le cercle des fidèles se retrouvait dans la salle autour d’une table où on voit également Boubacar Barry, Hyacinthe Mbengue, Adama Faye, François Faye, Taib Diouf[6], Ibrahima Hatie.

Parmi les personnes entendues et vues à la tribune, on mentionnera Marie Hélène Collion ancienne de la Banque Mondiale et Philippe Fayet ancien responsable de la Coopération Suisse au Sénégal.

Enfin, une mention spéciale doit être faite de la participation de Robert Sagna qui était Ministre de l’agriculture quand Jacques dirigeait l’Isra.

Au-delà de ces personnes identifiées il faut souligner le nombre et la diversité des participants ainsi que leur assiduité durant ces deux jours et demi.[7]

En fin de journée, le mercredi, tous les participants au colloque ont été conviés à une visite mémoire de l’île de Gorée[8]. Jacques Faye natif de Gorée était très attaché à son île dont il a brigué la mairie ce qui lui a valu de perdre sa place de DG de l’Isra et l’a conduit à revenir au Cirad à Montpellier en 1997.

Une chaloupe spéciale nous a amenés à Gorée dont l’approche est toujours magnifique et où quatre signares en grande tenue nous attendaient sur le quai (Photos album 11 et 12). Nous nous sommes dirigés vers la maison des esclaves avec un passage devant la maison natale de Jacques. Dans la cour amphithéâtre du Centre culturel Joseph Ndiaye la famille et les amis goréens de Jacques ont témoigné avant la projection du film « Ipar, dernier combat de Dr Jacques Faye ». Ensuite nous avons été conviés à un excellent repas dans un site enchanteur bercés par de la musique mandingue.

La chaloupe nous a ramenés à Dakar vers 23 heures.

Le lendemain matin, le colloque se termina par la session consacrée à la recherche et il n’y eut pas de cérémonie de clôture faute de dignitaire disponible ce qui libéra l’après-midi de toutes et de tous.

[1] A voir, la vidéo préparée pour le colloque : Le dernier combat du Dr Jacques Faye.html

[2] Voir le trombinoscope : Direction executive

[3] Pour en savoir plus sur le CNCR : CNRC

[4] Avec Jacques, nous avons fait sa connaissance dans les années 80 à Marseille lors d’un atelier organisé par le Gret : il venait d’un village voisin de l’Unité expérimentale de Kumbidia.

[5] Sur la relance de la recherche Haïtienne voir le rapport collectif : Proposition pour une politique de consolidation de la dimension recherche dans le système national d’innovation en agronomie et développement rural

[6] Taib Diouf, directeur scientifique, succéda à Papa Abdoulaye Seck comme DG-Isra

[7] Difficile d’être plus précis faute d’une liste des participants.

[8] De nombreux sites présentent Gorée, dont Wikipedia : L'ile de Gorée

Compte rendu de Paul Kleene

Le colloque « L’avenir des exploitations agricoles familiales d’Afrique de l’Ouest dans une économie mondialisée, en hommage au Dr. Jacques Faye » organisé par l’Ipar[1], a été pour moi un événement plein d’émotions pour diverses raisons : tout d'abord, celle d’ être invité à assister à cet événement, du simple fait que j'avais connu Jacques FAYE et avais passé un bon bout de chemin avec lui, en étant justement tous deux des précurseurs de la problématique à laquelle le colloque était consacré ; ensuite, parce que cet événement m’a permis de me retrouver avec d’anciens collègues de la recherche agricole et des partenaires, des ciradiens, des chercheurs sénégalais, des anciens « bailleurs », que je n’avais plus revus depuis longtemps, un peu comme des gens qui se rencontrent obligatoirement, un jour, sur le lieu de leurs exploits passés ; et enfin, en raison de l'émotion de me retrouver dans ce pays de mes premières expériences professionnelles, là où mes deux premiers fils sont nés,  d'y faire des nouvelles rencontres et de réaliser les nombreuses évolutions qui se sont produites au Sénégal depuis 50 ans.

Parmi ces rencontres figurent en premier lieu les membres de la famille de Jacques, qui nous ont si bien accueillis lors d’une très belle soirée qu’ils avaient organisée à Gorée, pour tous les participants. Gorée, c’est l’île située dans la baie du Cap-Vert, où Jacques était né et avait passé sa jeunesse. Déjà, faire le petit voyage en bateau, à la nuit tombante (en bonne compagnie, voir photo de l'album) pour rejoindre cette île, marquée par une histoire fortement douloureuse[2], comme en témoigne la Maison des esclaves, fut un grand plaisir, me rappelant les bons souvenirs des visites faites des années auparavant, mais en plein soleil.

Je laisse volontiers à d’autres le soin de rédiger un compte-rendu savant de ce colloque qui nous a permis de faire le tour de la question en trois jours. Pour les membres de l’Adac, il est certainement intéressant de noter les nombreuses contributions faites par des Ciradiens, à travers des « key note adresses », Michel Eddy, Pierre-Marie Bosc et Marie-Rose Mercoiret, et/ou des communications comme celles de René Billaz et Jacques Lefort (absent) ainsi que de Michel Benoit-Cattin. Ce dernier et moi-même avons prononcé, avec Ahmed Bachir Diop (IPAR) et Mamadou Cissoko (CNCR), un témoignage sur notre regretté ami Jacques Faye. Lors du colloque, la seule chose que j’ai déplorée est le peu d’attention donnée à la notion actuelle de l’exploitation agricole familiale en Afrique. Que sont-elles devenues depuis le temps de nos recherches effrénées des années soixante-dix et quatre-vingt ? Faudrait-il toujours se moquer de nous comme l’avait fait notre regretté collègue et ami de l’Orstom, Marc Gastellu, avec son article qui avait fait l’effet d’une bombe, intitulé : « Mais où sont donc ces unités économiques de production que nos amis cherchent tant en Afrique ? » (1980) ? Toutefois, si reproche il y a, le premier à accuser c’est moi-même, car j'ai préféré faire du terrain, plutôt que de finaliser à temps la communication que j'avais annoncée sur ce sujet. C’est la préférence d’un « ancien », qui a cette chance unique de pouvoir se trouver encore très souvent avec des paysans, dans leurs champs, au Burkina, au Mali et, cela, même après le colloque du Sénégal. Saurait-on encore où se situer leurs centres de décision au juste, en croyant pouvoir s’intéresser à la promotion de l’agriculture durable et productive, sans disposer de cette connaissance ?

[1] Ipar : Initiative Prospective Agricole et Rurale, Dakar, Sénégal ; le colloque a été organisé à l’occasion de la dixième anniversaire, 2008 – 2018, en collaboration avec le CNCA, l’Isra, et le Cirad, ainsi qu’avec l’appui de du Gouvernement du Sénégal, l’UE, le Fida, le Crdi, le FAO, le Hewlett Foundation.

[2] En tant que Hollandais, je ne peux pas m’empêcher de me sentir perplexe en me rendant compte des actes commis dans cette île par nos ancêtres, qui après l’avoir conquise aux Portugais, l’ont rebaptisée Gorée, d’après l’île hollandaise de « Goede Reede » (bon quai). Bon quai pour eux pendant 78 ans, mais une des pires geôles du monde pour les esclaves. Comme nous l’a rappelé le guide lors de notre visite à la maison des esclaves (l’un des 20 « dépôts »), les enfants « par exemple », étaient entassés les uns sur les autres comme des sardines, dans une seule petite pièce. Une bonne raison de nous rappeler « qu’autrefois le monde n’était pas meilleur, mais différent ».


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