Je l’ai vu à sa naissance ; il était tout petit. À peine un filet d’eau dont j’aurais pu doubler le volume en vidant ma gourde.
Sans un bruit l’eau sourdait, tranquille, entre trois brins d’herbes sous l’œil amusé d’une libellule bleue et d’un scarabée joueur.
C’était dans le pays où Stanley rencontra le docteur Livingstone, sur les bords du lac Tanganyika.

Surpris, j’ai contemplé ce simple filet d’eau et j’aurais bien aimé le suivre dans son voyage jusqu’à la mer et même recevoir au passage tous les autres filets d’eau qui font de vous une rivière, toutes ces contributions, petites ou grandes, qui vous aident à devenir grand. Mais je crois que mes pauvres souliers étaient trop usés pour me conduire jusque là-bas. C’était tellement loin la Méditerranée ; c’était tellement loin le pays d’Akhenaton ou de Toutankhamon, le pays des pyramides.
Alors pour, d’une certaine façon faire le voyage, j’ai barré le filet d’eau avec mes deux mains et l’eau s’est accumulée en arrière et puis j’ai bu tout ce que j’ai pu et je l’ai renvoyé plus bas.
C’est ainsi que j’ai pu être, à moi tout seul, la source du plus grand fleuve africain. Au fond je suis devenu, pour un court instant, un très court instant, mais quel instant ! Le géniteur du Nil.
Si vous passez par là-bas dans les montagnes arrondies du Burundi allez vous aussi rendre visite à la source la plus méridionale du Nil et dites lui que suis encore tout attendri quand je pense à elle.

Roger Bertrand
Février 2016

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