Présentation d’ouvrage par Jacques Chantereau
Vagabondages naturalistes
Philippe Bruneau de Miré
Juin 2018, 139 pages
Notre collègue, Philippe Bruneau de Miré vient de publier, à 97 ans, un ouvrage intitulé Vagabondages naturalistes. Doté d’un style alerte agrémenté de considérations non conformistes, il confronte son parcours personnel avec les bouleversements historiques, sociaux et environnementaux du xxe siécle. Il le fait en retenant l’attention du lecteur. En effet l’ouvrage ne manque pas d’originalité. P. Bruneau de Miré croise constamment les souvenirs de son apprentissage de la vie sociale avec ceux de sa découverte de la nature à laquelle il décida de se consacrer. Sa vocation de naturaliste s’affirma dès l’enfance qu’il passa plutôt solitaire dans un monde de grandes familles aux châteaux ruineux. La crise des années 30 puis la Guerre de 1939-1945 aggravèrent la situation. Après l’armistice de 1940, étudiant à Lyon, mobilisé, il se retrouva en Algérie dans les chantiers de jeunesse. Ce fut un premier contact émerveillé avec ce pays. Il y reviendra mais entre-temps, il retourna à Paris au Muséum national d’Histoire naturelle qui l’accueillit en lui permettant d’échapper au STO (Service du travail obligatoire). Il contribua alors à sauver les « réserves artistiques » de la forêt de Fontainebleau de la hache parisienne, avide de bois de chauffe. A la Libération, il entra à l’Office national anti-acridiens. Commença alors pour lui une vie d’aventures et d’explorations sahariennes au service des connaissances scientifiques, fasciné qu’il était par la capacité de la vie à coloniser les environnements extrêmes (déserts, volcans, grottes). Plus tard, il intégra l‘IFCC et fut affecté comme entomologiste au Cameroun où il se passionna pour l’extraordinaire diversité des milieux naturels. P. Bruneau de Miré arrête ses souvenirs à cette époque.
En plus d’anecdotes, le récit est émaillé de portraits familiaux, comme celui de son père, qui fut un des premiers grands collectionneurs d’art africain, un producteur malheureux de films et un journaliste-photographe. Viennent aussi des rencontres avec des personnalités du monde sportif, culturel et scientifique, certaines illustres comme Théodore Monod. C’est l’occasion pour P. Bruneau de Miré de nous faire part de sa reconnaissance et de son admiration pour ceux qui ont compté dans sa formation et son activité d’entomologiste-naturaliste. Enfin, le récit, bien illustré par une riche et belle iconographie, présente les intéressants points de vue de l’auteur sur des sujets comme l’évolution, la notion d’espèce ou les conditions de l’installation du parasitisme chez les plantes.
Le regard de P. Bruneau de Miré sur les changements sociétaux qu’il connut n’est guère optimiste. Par rapport à la richesse de son vécu et à la liberté dont il bénéficia dans des temps pourtant difficiles matériellement, l’époque actuelle n’offre qu’un cadre de vie corseté et étriqué. Le refus de prise de risques, la recherche du confort et la soif de consommation induisent la pauvreté intellectuelle et spirituelle ainsi que la dégradation inexorable de l’environnement. Cependant, la lecture du livre donne à croire aux opportunités de l’existence pour ceux qui, comme l’auteur, veulent vivre pleinement, animés du souci de percer les mystères de la nature avec l’espoir de préserver celle-ci.
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