Il y a quelques années, alors que j’étais Chef du Programme Fruits IRAD (Institut de Recherche Agricole pour le Développement), un homme me trouva au bureau, ayant l’air particulièrement furieux. « Docteur, je veux un produit pour tuer un arbre » dit-il.

C’était une demande inhabituelle puisque très souvent les usagers venaient s’enquérir sur comment planter, comment entretenir leurs arbres etc.. Comme je tournais les méninges essayant en vain de retrouver un nom de produit que M. Aubert avait évoqué un jour alors qu’on parlait de se débarrasser d’une vieille collection fruitière à la Station de Foumbot, le visiteur n’arrêtait pas de fulminer. Alors je lui ai lancé « Eh bien coupez-le, c’est beaucoup plus simple ». Il rétorqua « non je veux le tuer en douce ». « Et pourquoi ? Vous avez peur de l’arbre ? » Alors il se pencha comme pour une confession et dit « au fait ce n’est pas mon arbre, c’est celui de mon voisin ».

« Mais discutez-en avec lui ! ».
« On ne se parle même pas » répondit-il. Alors la conversation continua par des conseils pour l’aider à amorcer un dialogue avec son voisin quitte à recourir en cas d’échec aux services compétents de la Mairie. L’homme me remercia et repartit beaucoup plus détendu qu’à l’arrivée. Je raconte cette anecdote parce que le même homme est revenu me trouver il y a une dizaine de jours, cette fois-ci pour parler de son verger fruitier avec près de 100 pommiers Cythères en production et du jus de fruits très apprécié qu’il confectionne de façon artisanale. Il m’a raconté aussi que le dialogue avec son voisin avait très bien marché et que l’arbre fruitier qu’il voulait « tuer en douce » a fait l’objet d’une entente pour être raisonnablement taillé de façon a produire des fruits pour les deux familles.

Jean Kuate, Coordonnateur Scientifique en charge des Cultures Pérennes à l’IRAD

27/04/2016